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Une cuisine dans la nuit au Revest

dimanche 24 janvier 2016, par Brigitte Célérier

La nuit est tombée sur le jardin, sur le village, la pente à laquelle il s’adosse, les bois et leur couronne de calcaire.

Je ne peux pas dormir, malgré le changement de rythme, il est encore trop tôt.

J’ai regardé par la fenêtre de ma chambre les lumières dans la plaine, le réverbère au coin du jardin et les formes indécises des arbustes. L’envie de fumer se faisait pressante, comme un petit adieu au jour, et comme suis dans une maison de non fumeurs, comme maison prêtée est maison respectée, même en l’absence de ses occupants, au risque d’un inconfortable sentiment de culpabilité, ai pris mon sac, suis descendue, ai rôdé un moment sur le gravier, à la lisière de la lumière venant de la cuisine, avant d’écraser mon petit cigare parce que je m’ennuie, de rentrer et puis, comme le sommeil ne vient toujours pas, comme la pièce est claire et chaleureuse de toute la vie qui s’y déroule d’ordinaire, j’ai tiré une des chaises de paille, ai posé sur la table, à côté de la petite coupe – dans notre enfance on appelait ça compotier – où s’entassent en un assemblage esthétique et légèrement inhabituel un petit butternut rose, des oranges et les courbes jaunes de deux bananes, mon petit carnet et un Masque que j’ai cueilli sur un rayonnage du palier.

Le frais de la nuit passe par la porte entrebaillée, une voiture passe, un chien la salue… je note ma journée – ce qui précède –, je regarde la nuit, j’ouvre le livre, m’installe dans un village anglais, fais connaissance avec les personnages et quand je sens que prends goût à l’intrigue, je ferme la porte sur le jardin, je tourne la clé, mais en montant terminer ma lecture dans la chambre, un scrupule me vient, je redescends pour fermer le volet.