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Oloé chez mes ancêtres

mercredi 4 novembre 2015, par Brigitte Célérier

Ce serait à Chimilin, en m’échappant du snack-bar l’Irréelle — trop mangé, surtout trop regardé manger, trop de mots échangés qui parlaient de la famille telle que ne la vois plus guère depuis notre enfance, des tantes oubliées et mortes, des cousins et leur descendance, des enfants d’enfants dont j’ignorais ou avais oublié l’existence… — laissant attablés mes trois compagnons que j’avais suivi pour regarder, découvrir le cadre, non plus les pierres certainement disparues depuis longtemps, mais la forme que la terre prenait là, l’air qu’on y respirait, le cadre donc où avaient vécu les ancêtres qui nous ont légué leur nom.

Et là il y avait cet endroit pour s’isoler en pleine vue, cet angle vide que faisaient deux maisons de la rue principale, ces deux murs nus et ce banc solitaire, première chose que l’on voyait en avançant, du moins si quelqu’un y était assis, en évidence, tellement en évidence que l’assis devenait chose, disparaissait, ou voulait le croire, et puis cet arbre qui était presque un dessin d’arbre... alors me suis assise, et j’ai ouvert mon sac et sorti les notes, l’ébauche que P venait de nous distribuer.

Lisais, regardais autour de moi, me demandant quel était l’aspect du village aux 17ème et 18ème siècles, gommant l’église, et les trois boutiques, boulangerie, pharmacie, ne sais quoi, alignées sagement dans des petites boites semblables, faisant la moue aux autres bâtiments, m’interrogeant sur l’aspect, le caractère, les pensées, amours, révoltes, soucis de ceux qui nous avaient précédés là... et puis une invraisemblance, une similitude de prénoms, m’a fait plonger ma main dans mon sac, en sortir un stylo-bille, le faire cliquer pour écrire en vert, au verso de la feuille, quelques mots, prendre le stylo entre mes dents en regardant dans le vague, revenir à la feuille, commencer une petite histoire, et je cherchais à deviner son déroulement quand les autres sont sortis du restaurant.