Où Lire Où Écrire

Rien de plus étrange que l’absence d’étrangeté

dimanche 2 février 2014, par Pierre Ménard

Errer dans la ville et se laisser aller aux sollicitations visuelles de l’univers qui m’entoure : fil des rues, rencontres de hasard, personnages côtoyés. « Temps morts » toujours. Les absences du photographe. Continuer à se chercher intérieurement tout en poursuivant les fantômes de ses prédécesseurs. L’attention au paysage, le plus souvent urbain, le texte occupe de plus en plus d’espace. Jamais explicative, souvent sans lien explicite avec les images qu’elle accompagne. L’errance, de la solitude et de la difficulté à se trouver soi-même. Très vite, un va-et-vient s’établit entre deux lectures qui influent l’une sur l’autre.

L’air est printanier. S’asseoir à même le trottoir, le dos contre le mur d’une épicerie (pratique si l’on a faim ou soif), ici tout le monde fait ça dans la rue, pour téléphoner ou lire un livre.

L’errance n’est ni le voyage ni la promenade mais cette expérience du monde qui renvoie à une question essentielle : qu’est-ce que je fais là ? Pourquoi ici plutôt qu’ailleurs ? Comment vivre le plus longtemps possible dans le présent, c’est-à-dire être heureux ? Comment se regarder, s’accepter ? Qu’est-ce que je suis, qu’est-ce que je vaux, quel est mon regard ? Vivre dans le présent, sortir du souvenir nostalgique du passé.

Soudain, le téléphone sonne. Je me lève. Au bout du fil, la voix d’une jeune femme me dit de prendre le boulevard et de marcher tout droit jusqu’au bout. Tu raccroches le combiné et fais ce que l’on vient de te dire. Jusqu’à l’océan.


Photographie de Pierre Ménard prise à San Francisco en 2012