Où Lire Où Écrire

Dans l’antre

jeudi 13 février 2014, par Brigitte Célérier

Dans l’antre

épaules appuyées au mur
corps en biais courbé au dessus du radiateur,
une musique qui rode, que j’oublie,
le kobo, ou un livre en mains, et mes yeux qui m’y invitent, qui m’entraînent dans le texte,
des pauses où je regarde face à moi sans voir...
et quand j’ai trop chaud, je fais quelque pas, je pose le livre, le texte, sur la table, me penche dessus.

J’essaie d’apprendre à lire assise, confortablement, dans un fauteuil, sur une chaise… ne le puis – sauf parfois dans une salle d’attente, parce que là c’est normal, et que la petite attention nécessaire aux mouvements pour ne pas faire attendre quand viendra mon tour crée la note d’inconfort dont j’ai besoin.

La lecture a été trop longtemps une évasion, un rapt sur le temps.

Pour m’absorber en lecture, il me faut instabilité, qu’importe si illusoire.
lire Platon posé sur une épaule inconnue aux heures de pointe dans le métro
suivre l’histoire de la restauration en me tordant les chevilles sur un sentier

Mes oloés, même devenus rites, devaient garder une idée, devenue factice, de détournement, sembler fragiles…

Devaient, parce que l’ordinateur contraint mon corps à l’immobilité, la frontalité, parce que n’ai jamais été aussi souvent assise que depuis que suis dans l’antre – sur une fesse, tout de même, un peu de biais, les mains pas tout à fait d’aplomb, juste par un refus instinctif de l’ordre.

Et voilà que les mots qui se risquaient dans mes moments de rêverie, que n’avais jamais imaginés que posés sur l’air fugitif, avec lesquels je jouais, à cause ou grâce à cette machine, à paumée, je les garde, ils veulent rester, demandent à être tracés, lisibles ou non, sur le petit carnet que je pose devant moi...


Photo : BC