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Sur la colline

dimanche 26 janvier 2014, par Franck Garot

Nous avions roulé dans la ville à l’arrière d’un taxi. Tu voulais me montrer Chișinău by night : les monuments importants, l’université, l’hôtel de ville, les places... Le chauffeur suivait tes indications en russe, indifférent, le compteur tournait, ça lui était égal ce city tour, du moment qu’on le paie. Puis au sortir de la ville, tu lui demandas de prendre une longue route droite et pentue. En haut, il tourna à droite et nous déposa sur une pelouse qui surplombait la ville. Nous n’étions pas seuls. Quelques voitures éloignées les unes des autres, les fenêtres embuées, indiquaient un lieu de rendez-vous pour amoureux. Le taxi avait arrêté le contact et nous attendait en fumant une cigarette. Nous marchâmes jusqu’au bord de la corniche pour contempler la ville et ses lumières. Tu paraissais heureuse de partager ce moment avec moi. Et tes yeux —

sur la colline
tes yeux illuminent
la ville

Tu m’indiquas vaguement le chemin que nous avions fait. Puis ton regard se voila et tu me dis que je ne devais pas trouver ça terrible, moi qui vivais en France, qui avais vu Moscou, Londres, New York... Mais elles ne sont que des cartes postales ; elles n’ont pas autant de valeur que cette ville étale, coincée entre les collines. Cette ville, c’est la tienne.

J’écrirai peu à Chișinău. Je travaillerai mollement sur le livre de poker dans mon oloé moldave, un hôtel zen de la rue Bernardazzi. J’écrirai peu, mais cette scène sera décisive pour moi, et déclencherait quelques mois plus tard l’écriture d’un long haïbun.