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Exposition éphémère

lundi 30 novembre 2020, par Gregory Gadrat

Dans le 16e arrondissement de Paris, il est possible de se promener du côté de la place du Trocadéro, et de profiter de la magnifique vue sur l’un des monuments les plus connus de la cité, la Tour Eiffel. Mais si on revient un peu en arrière, vers la place même, sur l’avenue du président Wilson, on se retrouve devant l’entrée d’un grand édifice qui est celui de la cité de l’architecture et du patrimoine accueillant plusieurs expositions, permanentes ou éphémères. Parmi les expositions éphémères proposé en ce moment, il y a l’exposition Albert Kahn, qui dévoile ses photographies et ses films nous montrant le Paris des années 1910 à 1937. On y accède en descendant un escalier tout au bout sur la gauche. A l’intérieur, près de l’entrée, il y a une banquette de cuir noir calé dans un coin. C’est sur cette banquette que je suis assis. De là j’y regarde ce Paris d’un autre temps exposé par des photos en autochrome, un procédé industriel de photographie qui produit des images en couleur sur des plaques de verres. Ces photos luisent d’une lumière presque fantomatique, dont la faible obscurité du lieux tend à leur donner un aspect fantasmagorique. Cette banquette n’est toutefois pas très bien située puisqu’elle ne permet de voir que quelques photographies au loin, une autre photographie plus proche mais visible que si l’on se penche sur la droite, et un film projeté sur une grande toile qui fait tout le mur. L’autochrome visible que si je me penche sur la droite montre l’Opéra de Paris se tenant majestueusement tout au bout de l’avenue portant son nom. Mais cette avenue est vide, seul une vieille voiture l’arpente. Le film projeté non loin de moi sur ma droite nous emmène sur les toits du vieux Paris. Je pense que le cinématographe a du être posé sur les remparts de Notre-Dame de Paris, car ce que l’on voit tour à tour en contre bas est le pont neuf, avec au loin la tour Eiffel, puis une gargouille qui rentre dans l’écran par la droite et qui cache en parti ce qui semble être l’Église Sainte Eustache au loin là-bas, puis à mesure que le cinématographe tourne, on aperçoit le sacré cœur, et plus près en contre bas l’Hôtel de ville. Je n’ose pas rester plus longtemps sur cette banquette, mais il me suffit de faire quelque pas pour m’arrêter devant un autre film projeté lui aussi sur une toile faisant la totalité du mur. Immersion totale dans l’agitation d’une rue principale que je ne reconnais pas, immergé par une foule de fantôme. Je vois partout des gens qui sont morts. Ils me regardent parfois, même s’il ne me regarde pas vraiment puisqu’il regarde le cinématographe. Il est étrange de se dire qu’ils pensaient ne regarder qu’un cinématographe, mais qu’il regardait en réalité des gens pour la plupart nés presque cent ans plus tard. S’ils sont des fantômes pour nous, qui sommes-nous pour eux ? Rien, car ils ne pensaient voir qu’un cinématographe. Maintenant, ils ont disparu, et je disparaîtrai moi aussi et comme nous tous car nous sommes tous des exposition éphémères, et celle-ci disparaîtra le 11 Janvier 2021.