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Au delà du cadre

vendredi 16 mai 2014, par Marie Pelluet


Souvenir d’un portrait

Le visage d’un homme noir, massif. Impassible et déterminé. Par endroit la peau brille. Il regarde droit devant lui. Il va partir. Cela se sent à une impulsion que l’on devine dans une légère crispation des mâchoires. Est-ce la photo d’un sportif ? Est-ce la photo d’un homme seul qui ne sait que partir ?

Portrait choisi puis délaissé

C’était le vieillard et son nez torturé et sur ses genoux, un petit ange blond.
Beauté, laideur, vieillesse, jeunesse... et, au delà, un paysage presque chinois.
Aujourd’hui je me retourne sur le grand adolescent rêveur et un peu mélancolique, qui regarde au loin, debout, en habit sombre.

J’ai oublié le vieillard et l’enfant. Je suis debout entre deux temps, entre deux rives. Celle vers laquelle je tourne mon regard sera-t-elle plus riante que celle que je quitte ? L’enfant que je laisse à sa vie saura-t-il marcher seul ?

Je choisis le fleuve entre les montagnes, je laisse les visages à leur histoire, je marche sur la rive, j’accorde mon pas, je découvre un rythme qui n’existait pas et je devine, à une lumière particulière du ciel, qu’il m’emportera au delà du cadre.

Portrait d’un intime

Il est là depuis l’enfance. D’abord rond, doux et souriant puis plus anguleux, les mâchoires un peu massives, le regard parfois voilé ou inquiet.
N’est-il pas ambigu de trouver charmant son frère ? De savoir parfaitement comment les autres femmes le voient ? De lire clairement le désir dans leur regard ? De transpercer leur sourire ? De s’amuser des petites coquetteries censées l’attirer ? D’être à la fois très proches par tout ce que l’on a partagé et résolument éloignés par tout ce qu’on ne partagera jamais ?
On nous trouve souvent quelque ressemblance et, comme toutes les ressemblances familiales, elle n’existe que pour ceux qui sont à l’extérieur de nos liens génétiques, dans un regard qui pense légitime de nous rapprocher quand nous prenons garde de respecter la distance, de ne pas tout mélanger : le visage douillettement heureux de l’enfance et l’ovale irrégulier du présent.