Vue sur montagnes
lundi 12 octobre 2020, par
Où s’arrête la ville ? Le long des autoroutes, au bord des montagnes, c’est encore la ville. Le boucan incessant des camions et voitures, les notes aiguës des motos filant quelquefois. L’écho de tout ça jusque dans les forêts.
La ville ne finit jamais, mais je me pose. Une baie vitrée donne sur des cimes d’arbres et la silhouette de quelques collines. Je pense au silence là-bas, au calme ici, derrière les vitres, l’autoroute en sourdine. Sur la table orange à côté d’un café brûlant servi dans un gobelet de carton, j’ouvre mon livre et commence à lire une nouvelle fois ce début que je n’arrive pas à dépasser.
Peut-être que la ville ne cesse de commencer, partout où l’on s’on trouve c’est par un morceau de bitume, la puissance d’un moteur, qu’on y est arrivé. Qu’on s’arrête n’importe où, dans n’importe quel centre, puis qu’on en reparte, c’est un nouveau début. Qu’on atteigne son bord, son extrémité déserte et désurbanisée, le bout d’un chemin de terre, la plage ; c’est encore la ville et quand on en repart, c’est toujours pour la ville. Cette ville où l’on était déjà, tout le temps. Ici, au cœur de l’autoroute, au milieu de mon trajet entre Séoul et Pusan, et donc au cœur de la ville, c’est à un début que je suis. C’est moi qui entame la ville, toujours.
J’en étais arrivé à devenir un artiste citeur parce que précisément, très jeune, je n’arrivais pas en tant que lecteur à aller au-delà de la première ligne des livres que je m’apprêtais à lire. — E. Vila-Matas
Loin de la baie vitrée, dans le silence du ciel bleu, les collines ne me voient pas.
Texte écrit dans le cadre de mes interventions à l’Université de Cergy-Pontoise "Ecrire la ville numérique"