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La fiction à l’épreuve

lundi 14 avril 2014, par Franck Garot

Nous sommes en octobre 2009. Je suis le taulier-fondateur des 807. Je publie 3 posts par jour, vers 8h07 et 20h07. Comme je pars quelques jours à l’île Maurice et que je ne compte pas me connecter à Internet, j’ai l’idée de programmer des 807 à l’avance. Cependant, je n’ai pas assez de propositions en réserve. J’en écris donc 9 en essayant d’imaginer mon voyage et l’oloé mauricien. Confrontons maintenant la fiction à la réalité

dimanche 25 octobre 2009

Brel chantait : « Et nom de Dieu ! c’est triste Orly le dimanche / Avec ou sans Bécaud ». Au contraire, aujourd’hui je trouve ça plutôt gai, Orly le dimanche. Faut dire que je prends le vol 807 pour l’île Maurice.

Ni gai ni triste, juste le stress d’une famille qui va prendre l’avion. Le vol n’aura pas le numéro 807.

lundi 26 octobre 2009

À l’heure qu’il est, le taulier de ce blog se prélasse en famille sur une plage de l’île Maurice. Et comme il est bon, et comme il aime partager son bonheur avec vous, il compte les grains de sable. Il espère arriver à 807 avant que le serveur ne revienne avec la Margarita qu’il a commandée.

Plage et Margarita, je confirme. Mais je n’ai pas pensé aux lecteurs du blog et le personnel desservait uniquement, il fallait aller chercher son verre.

mardi 27 octobre 2009

Éric Chevillard n’a absolument rien compris. Pourquoi traîner comme un pervers dans un parc dijonnais en attendant que la joggeuse au caleçon court passe alors qu’ici, à l’île Maurice, j’en vois 807 par jour, en bikini.

Un peu exagéré sur le nombre.

mercredi 28 octobre 2009

Nicolas Bouvier, Jack London... à l’île Maurice je deviens un écrivain voyageur, Robert Louis Stevenson, Ernest Hemingway... ô mes frères d’écriture, j’ai déjà les 807 premières pages d’une grande saga, Jospeh Conrad, Henry Miller... l’aventure germanopratine d’un écrivain maudit perdu entre le Café de Flore et les Deux Magots, Pierre Loti, Arthur Rimbaud... je suis des vôtres !

C’est faux. Rien écrit.

jeudi 29 octobre 2009

La mer a toujours fasciné l’homme : il ressent, en portant son regard sur l’horizon, son insignifiance face à la grandeur du monde, et le flux et le reflux des vagues le convainquent que le temps lui est compté. J’ai ainsi observé sur la plage privée de mon hôtel à l’île Maurice 807 vagues mourir à mes pieds. Je cherchais l’inspiration, le sens de ma vie, et je n’ai récolté qu’un fichu coup de soleil.

Pas de coup de soleil, je me protège. Mais j’ai beaucoup regardé la mer.

vendredi 30 octobre 2009

« Quel livre emporteriez-vous sur une île déserte ? » est une question que posent souvent les journalistes pour illustrer leur incompétence, parfois, pour les plus lettrés (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui), ils proposent au pauvre hère de répondre au « questionnaire de Proust ». D’habitude je réponds « Qu’est-ce que j’irais foutre sur une île déserte ? ». Mais aujourd’hui, comme le vent ondule les palmiers au-dessus de moi tandis que de jeunes femmes s’ébrouent dans la piscine, j’abandonne mon costume de vieux con et je donne à cet imbécile la liste des livres que j’ai apportés à l’île Maurice : « Les Grandes Blondes, Un pédigree, La Sorcière, La Salle de bain, Démolir Nisard, Meurtres pour mémoire, Martine petite maman, Ulysse, La Position du tireur couché... ». Si j’arrive au 807e titre, sans qu’il m’interrompe, c’est que les jeunes femmes sont toujours dans la piscine.

Tout est faux ici. J’ai lu des livres là-bas, c’est certain. Aucun de ceux-là néanmoins.

samedi 31 octobre 2009

Je suis allé dans un cyber-café pour consulter mes mails ce matin : quelques centaines de mails d’insultes (je vous laisse deviner le nombre exact) concernant ma série mauricienne, je cite : « vous êtes un parvenu », « sale petit bourgeois pété de thunes », « quelle indécence avec tous ces gens qui souffrent », « on a un temps de merde à Paris », etc. Eh bien, je le confesse : j’ai culpabilisé, oui, j’ai sincèrement culpabilisé... pendant 1/807e de seconde.

Encore des mensonges !

dimanche 1er novembre 2009

La réputation de l’île Maurice est surfaite, je vous l’assure, le service n’est pas à la hauteur. Tenez, essuyant le refus du serveur dans le restaurant de l’hôtel, j’ai cherché dans toutes les boulangerie, épiceries et les gargotes, dans tous les supermarchés, marchés, restaurants, pas moins de 807 endroits, et rien ! Pas un seul doughnut sur cette île !

J’avais en effet à l’époque comme projet d’écrire un court livre sur les doughnuts. Mais je n’y ai pas pensé une seconde à Maurice.

lundi 2 novembre 2009

Quoi le prix Goncourt ? C’est le cadet de mes soucis le prix Goncourt ! Le 807e dans la liste. Il faut que je retrouve mon passeport sinon la douane mauricienne ne me laissera pas repartir.

Trois femmes puissantes obtenait le prix Goncourt. Pas le meilleur livre de l’auteur pourtant. J’en avais parlé deux semaines plus tôt sur mon blog. Ceci dit, aucun problème de passeport.

mardi 3 novembre 2009

Brel chantait : « Et nom de Dieu ! c’est triste Orly le dimanche / Avec ou sans Bécaud ». Il avait bien raison, 807 fois raison, nom de Dieu ! c’est triste Orly, mais le mardi. Finies les vacances, hélas !

Surtout très fatigué d’avoir voyagé en charter avec des enfants en bas âge.

Le constat est affligeant pour la fiction. L’oloé mauricien tel qu’imaginé n’avait rien à voir avec la réalité. J’ai lu un peu, rien écrit pendant le séjour. Mais c’est un véritable oloé puisqu’il m’a tout de même fait écrire, par anticipation.