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Epuiser les trésors (au Louvre, 3e épisode)

lundi 28 avril 2014, par Anne Savelli

Lors de cette troisième séance d’atelier d’écriture au Louvre, j’ai pensé qu’il était temps, après s’être débarrassé de la peur d’avoir, ou non, quelque chose à dire d’une oeuvre en public, puis établi un vrai contact avec l’une d’entre elles, de profiter un peu des lieux. C’est ainsi que nous avons travaillé sur la notion de trésor, cherchant, même, à en épuiser le contenu.

Je suis partie du trésor de Boscoreale (ci-dessus), dont une description minutieuse, établie au début du XXe siècle par un conservateur, est disponible gratuitement en ligne. Ainsi, apprend-on, à propos d’une coupe ronde (ou phiale) présente dans le trésor, que :

"L’emblema offre une personnification de l’Afrique, figure en buste d’un relief très accentué et d’un effet saisissant. Elle est représentée comme une femme plantureuse, vue à mi-corps ; ses traits, sans être délicats, respirent la jeunesse, la force et la beauté. Le menton est proéminent ; les lèvres sont larges et hermétiquement closes ; le nez est légèrement arqué ; les yeux grands et ouverts (1), au regard ferme, sont ceux d’une femme sûre d’elle-même et aux volontés de laquelle rien ne saurait s’opposer. Le front est à moitié caché par des cheveux abondants et bouclés qui ne tombent pas plus bas que le cou, particularité qui donne l’impression d’une force virile. Sur la tête, elle porte la dépouille d’un éléphant dont la trompe et les défenses s’élèvent majestueusement au-dessus du front : l’artiste a eu soin de rejeter en arrière les larges oreilles de l’animal, de façon à ne pas alourdir la figure centrale et à laisser ainsi au cou tout son dégagement. Les oreilles de la femme, en partie cachées sous la chevelure, sont percées de petits trous auxquels étaient suspendus des boucles mobiles, sans doute en or et finement travaillées (2). Le cou est large et bien planté sur la poitrine

(1) Les pupilles sont indiquées à la pointe.
(2) Ces boucles d’oreille n’ont pas été retrouvées."

(ainsi apprend-on qu’au début du XXe siècle, un très sérieux conservateur du Louvre décrivait des boucles d’oreilles inexistantes !)

Ce texte nous étant apparu assez fascinant, nous avons voulu voir la coupe en question. Hélas, elle était, si je me souviens bien, en déplacement, prêtée pour une exposition.
Le trésor lui-même nous a un peu déçus, il faut le dire (nous avions fantasmé). Par contre, en levant la tête, dans la salle...

... extension du domaine par le ciel de Matisse.
Et il y avait encore, ce jour-là, à quelques pas


les living rooms de Robert Wilson, avec lit pour géant, oloé suspendu, collections d’objets à la André Breton.
Nous avons à notre tour tenté d’étendre le champ, partant pour cela du texte en expansion constante de Julien Maret, Ameublement , paru en début d’année chez José Corti. Ou comment, à l’aide de simples points-virgules, faire croître ses possessions...

(hop)
(ces deux-là sont des copies que l’on trouve dans la salle où nous allions écrire)
Pour finir, j’ai proposé aux participants de lire, après l’atelier, un texte de Mona Chollet paru sur Périphéries dans lequel elle tente de comprendre ce qui se passe en elle depuis qu’elle a été avalée par les réseaux sociaux et en quoi l’un d’entre eux, Pinterest, la sauve paradoxalement de cet engloutissement en lui permettant de collecter un nombre infini d’images sans qu’elle se sente envahie. Là, ce ne sont plus forcément des objets qu’on amasse :

"On y recherche des images qu’on peut habiter, dans lesquelles on peut se projeter, devant lesquelles on peut rêvasser. Les photos d’intérieurs, d’architecture, de maisons, de cabanes dans les arbres et d’abris en tout genre remportent un grand succès : les tableaux consacrés à ces thèmes font partie de ceux qu’on retrouve chez pratiquement tout le monde ; mais la plupart des images, quel que soit le sujet représenté, semblent choisies parce qu’elles offrent un abri, même si ce n’est pas au sens littéral. Je rêve des textes q’une exploration de l’Internet des images aurait pu inspirer à Gaston Bachelard."

Et l’on en vient ainsi à la notion de lieu, infinie, qui m’est chère précisément parce qu’elle exclut, en l’incluant, la possession, l’appropriation.