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n°21, rue M. Proust

Have a drink on me

Comment il se retrouve là…

Cerveau nappé de plomb, front lourd. Masse d’acier compacte qui lui tombe sur les yeux.

… suspendu à cette sensation obsédante que ses globes oculaires se fissurent chaque minute un peu plus sous le poids mort de son crâne, prêts à rompre…

L’estomac en vrac, entrailles nouées par le manque.

… Là à attendre qu’ils finissent par céder brutalement et que tout ce poids mort de matière grise dégringole enfin, d’un seul élan traverse en une fraction de seconde la totalité de sa face…

Arrière goût fer et persistant dans la bouche ; connu. Trop.

… en une fraction de seconde descende d’un bloc jusqu’à la gorge - cabine d’ascenseur soudain privée de ses câbles de maintien…

La langue gonflée et se sentir crade à nouveau, dégueulasse vraiment ; lendemains où suinte cette pourriture par tous les pores de ta peau.

… Là à attendre aussi que quelqu’un veuille bien s’occuper de lui et lui ouvrir cette foutue vitrine…

Les dix doigts à nouveau dans l’engrenage ; et jusqu’aux coudes.

… son visage en reflet pâle suggéré sur la surface de verre et les pensées, les mots lourds à venir, pâteux, difficilement maugréés et d’assez loin tout à l’heure en entrant dans le magasin, en élocutions flasques et précipitées. Conscient tout de même de l’odeur qui doit s’en dégager, de la moindre de ses phrases…

Police Milice : point de bascule.

… Alors peut-être qu’elle n’a pas compris, la caissière. Ce qu’il lui a demandé tout à l’heure en entrant. Ou peut-être bien qu’elle a un truc à finir, avant…

Le riff envoyé, Stan qui hurle le texte par-dessus et les mecs qui s’égosillent dans la rue à travers la porte grande ouverte, le Blue Bird de ce soir-là devant ses yeux hallucinés ; l’ampli à fond les tempes en feu et sans même y faire gaffe laisser tomber le café. Comme ça.

… Parce que c’est pas bien dur à comprendre, ce qu’il veut. Quand même pas des masses à rester planter devant leur coffre fort à l’heure de l’ouverture sans même regarder les autres rayons. L’idée qu’ils ont de mettre ça sous clé...

Pris par surprise. Première gorgée, le coup de chaleur comme une nappe onctueuse dans tout le torse et Le Temps Retrouvé comme dirait l’autre : direct.

… Et honte de demander à nouveau. D’ouvrir à nouveau la bouche et voir s’exhumer à l’air libre la résurgence brutale et odorante de son passé…

Les deux pieds dans le tonneau, comme dirait sa mère.

… Et honte et colère et bordel de merde mais qu’est-ce qui m’a pris ? Qu’est-ce que j’ai foutu pour me retrouver planté là comme un zombie à neuf plombes du mat’ ; de retour au point de départ ; planté devant la vitrine à whisky à attendre fébrilement qu’une des mesdames Lidl veuille bien se radiner et me permettre de me détendre un peu…

Ah, tu me fais plaisir, là !

… Rien qu’une petite lampée…

Putain, s’il savait.