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n°21, rue M. Proust

hard times

Les carnets du lotissement, tentative de fiction web. Mode de fonctionnement : écrire des fictions sous la forme convenant à chacun (textes brefs, images fixes ou animées, productions sonores) ; favoriser l’imbrication des micro-récits proposés et des parcours de lecture variables par l’usage des mots-clés et des liens ; en faire un espace de création collective où chacun interviendrait en toute liberté et indépendance, sans contrainte de fréquence ou de durée. Contact @carnetslot

Aujourd’hui, dans le cadre des vases communicants, Gilles Piazo accueille Michel Brosseau au 21 rue Marcel Proust et squatte provisoirement au 7, rue Honoré de Balzac.


à écouter avant, pendant ou après la lecture...

hard times, hard times, assis à la table de ta cuisine, un mug de café et tes clopes, écouter en boucle, les machines le permettent, sans avoir besoin de te relever, monter le volume et que ça s’installe, quoi c’est pas ton affaire, le piano qui tient l’ensemble, les phrasés brefs de la guitare, ne pas dire nerveux chaque fois que bref, trop de facilités dès que les mots, imprécis à vouloir nommer, chaque fois, le constater, de toute façon pas ton affaire les mots, hard times, hard times, pas par là que ça passe, c’est ailleurs, trop pressés les mots, figent, engluent, leur sale manie le définitif, pas une phrase qui ne se conjugue à l’infinitif, au c’est comme ça et pas autrement, même si aussitôt se dire que c’était pas ça, qu’on n’aurait pas dû, qu’il aurait fallu, qu’il faudrait, les mots ça demande qu’à s’empiler, des tas les uns au bout des autres, et puis les uns par dessus les autres, pour masquer ceux qui précèdent, qu’étaient pas les bons, qui sont jamais ceux qu’il faudrait, c’est à jamais en finir avec les mots, à tout le temps regretter et essayer de réparer les dégâts, avec les mots que t’as foutu ta vie en l’air, les mots que t’as pas su dire, que t’as pas pu à force de tourner autour, tellement tu voulais pas te louper avec, ceux que t’as balancés trop vite, dans l’élan de la colère, boostés d’alcool, tous encore à te bouffer le dedans, trop de mots au dedans, les napper de son qu’ils fassent silence, écouter fort, écouter longtemps, pour jouer aussi, comme ça que tu cherches, dans la durée et la répétition, que tu cherches à pénétrer, quoi ça serait encore des mots alors, et trop peur de rompre l’équilibre, l’espèce de charme, expression à la con, ce qui s’y tient de mièvrerie, ou de charlatan à hypnose, au choix, serpent qui se déroule hors du panier, hard times, hard times, les mots, tout le temps les mots, sacrément tenaces à toujours revenir à la charge, n’empêche, drôle de hasard d’être venu habiter ici, toutes ces rues avec des noms d’écrivains, le redorer comme on peut l’hlm horizontal, ici au moins un peu plus peinard, en appart à peine si tu pouvais toucher l’acoustique, la crise aussitôt, branle bas de combat dans les étages, hard times, hard times, sûrement pas des masses qui les aient lus les bouquins de ces gars-là, mais pour les pignoufs autour ça faisait tout de suite plus respectable qu’une rue John Lee Hooker, « t’habites où ? » « rue des trois King », mais faut pas rêver, hard times, hard times, écouter, c’est ligne qui se dégage, phrasé qui tourne en boucle, hard times seem like they’re here to stay, ce chemin jusqu’à résolution, cette note où venir aboutir, et que c’est d’elle que tient l’ensemble, et vers elle que tend chaque élément, poussée lente et sûre, hard times, hard times, toujours possible de moduler avant d’aboutir, tandis qu’avec les mots, jamais bien sûr de retomber sur tes pattes, tu en laissais tellement de phrases en chantier, en train de tourner sur elles-mêmes comme les ballons de foire quand ils se dégonflent, if I don’t get a job pretty soon, I don’t know what I’m gonna do, autre chose de chanter, seulement prétexte les mots collés dessus, cette chanson-là tu en connais des dizaines de versions, d’autres mots, d’autres histoires, mais ce qui au dedans du morceau, ce qui s’y retrouve une fois balayés les mots, ce qui t’y parle, hard times, hard times, souvent tu chantais en yahourt, que ça sonne c’est tout, souvent trop picolé pour te souvenir, alors yeah babe blue gonna watcha wanna do, nuit au poste ou chômage ou cette fille qu’est pas rentrée de la nuit, on s’en fout des mots, c’est autre chose qui compte, de l’angoisse de la peine, mais on s’en fout aussi de nommer, c’est de faire sortir qu’il faut, marteau-piqueur qui creuse, excavateur, partir à l’aventure sans savoir sur quoi on va tomber, mais que ça sorte, que ça vienne affleurer au moins, et s’enfonce au plus profond dans le silence d’après

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Commentaires

1 Message

  1. hard times

    Les riffs des phrases s’enchaînent et se déchaînent, la musique est sous-texte, sur-texte, les notes ne sont pas en bas de page.

    par Dominique Hasselmann | 7 avril 2013, 09:54

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