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n°7, rue H. de Balzac

la maison aux fantômes #1

Des photos de ruines, oui, tout un tas. En vacances, systématique pendant leurs excursions. Le temps qu’il passait à photographier des pans de murs sous toutes les coutures. Obligés de l’attendre. Surveiller les gosses en train de jouer pendant ce temps-là. Mais la maison abandonnée, là, juste à l’angle avec la rue Marcel Proust. La voyait chaque fois que s’installait à son bureau. Passait devant tous les matins pour aller au boulot. Mais pas une photo, rien. Ni de quoi que ce soit du quartier, d’ailleurs. Dans cinquante ans peut-être qu’elle l’aurait intéressée !... La maison aux fantômes. Les enfants qui l’appelaient comme ça. Avaient entendu l’expression dans la cour du primaire. La maison aux sorcières aussi. Peut-être à cause des chats qui parfois y retrouvaient refuge. Ne les avait pas suivis sur cette voie-là, André. Des histoires de revenants qu’il leur racontait. Vincent-qu’une-oreille pour héros central. Ne se souvenait que de ça. Jacques et Aline peut-être un peu plus ? Rien de bien méchant en tout cas. Rien qui fasse trop peur. Pas comme celles du grand-père à Douarnenez. Elle en avait assez fait de cauchemars, gamine... N’empêche, les gosses leur prenaient la main quand passer devant pour aller à l’école... Boîte aux lettres béante. Herbes hautes. Et le lierre qui grimpait jusqu’aux fenêtres de l’étage. Pas pris la peine de les murer. Au rez-de-chaussée seulement. Portes et fenêtres. Les gars de la mairie qui étaient venus. En avaient pas eu pour bien longtemps. Que les jeunes puissent plus y faire la fête. Les voisins s’étaient plaints. Comité d’intérêt de quartier et tout le bazar !... Se réunissaient là. Le week-end surtout. Dans la semaine ils étaient occupés. Le lycée, la fac. Les autres, les plus vieux, restaient pas. Trouvaient un appart’ plus près du centre. Jacques et Aline aussi avaient fait ça. Par contre, pour ce qui était d’aller squatter la maison aux fantômes... Trop près de la maison. La fenêtre du bureau donnait en plein sur la façade arrière... Restaient dans leurs voitures maintenant que des parpaings à toutes les issues. Ce qu’ils y faisaient c’était pas bien dur à deviner. Suffisait de faire l’inventaire ce qui se trouvait au caniveau. Parmi les herbes de ce qui avait été le jardin. Ce qui vitre abaissée avait été balancé hors de la voiture. Le matin en allant acheter le pain. Pas bien loin, s’y rendait à pieds. Launay, le patelin d’à côté, juste après la rocade. Blanc bleuté des bouteilles de vodka. Rouge et noir du Coca. Orange citronné des sodas. Papier à rouler maxi format. Sachet de préservatif. N’allumait pas dans le bureau en fin de semaine. Juste la lumière de l’écran. Et la pulsation sourde des basses. Comme un cœur. Pas tant qui battrait vite. Mais fort. Sourd et omniprésent. Comme angoisse qui bat aux tempes... Des cris parfois. Portières qui claquent. Crissements de pneus. Des rires, a priori comme ça elle aurait dit que non.