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n°7, rue H. de Balzac

ce dont la nuit te protégeait

... ce dont la nuit te protégeait ...

de ces phrases qui traversent le demi-sommeil, tournoient, se proposent, que tu gardes un temps en tête, mais bientôt plus qu’un rythme, couleur vague que tu ne saurais pas plus nommer que reproduire, les croire néanmoins d’importance ces mots comètes, souvenir du lycée, ce qu’on disait des poètes, qu’ils se réveillaient pour noter, piégeaient les mots de la nuit, ce qui relevaient là de la magie, d’une transcendance entr’aperçue, mais c’était déjà trop, ni révélation dictée ni prophétie, tout au plus un déchiffrement du passé, un défrichage de l’être, ça le terrain où t’ébattre, pas pour toi l’enjambée surréelle, trop craintif à la simple idée d’un seuil, plus encore de son franchissement, te demandes juste le texte que ça ferait au fil des nuits, tous ces mots que tu dis bruts, voudrais croire tels, si longtemps que tu associes l’adjectif à la vérité, les confonds, mots vrais parce que bruts, quand peut-être des années qu’ils roulent en toi, s’y brisent et s’y polissent, un leurre cette manière de surgissement lumineux, comme hors du temps, ces allures de révélation accordée, enfin mise au jour, ces airs d’entaille dans le silence et l’obscur, alors que peut-être rien à en tirer de ces mots, du moins rien à y déceler, mais d’eux inventer et construire, pas même y chercher ou trouver ce que l’on désirerait, craindrait, démarrer de l’entaille faite à la nuit, de l’encoche à l’humeur, de l’empreinte sur le lendemain, point de départ aléatoire mais comme d’évidence

... ce dont la nuit te protégeait ...

  

 

 

 

mots en vrac - rien que du désordre - impression de désordre - ou du désordre l’impression qui s’en dégage - ce qui naît de tant d’aléatoire - la pensée a de ces fonctionnements la nuit - que s’entremêlent origine destination - que cause semble conséquence - autre chose ici - mais à quoi bon - puisque c’est dormir qu’il faudrait - ...ce dont la nuit te protégeait... - ce qu’il pouvait donc y avoir à craindre - du jour ou des rêves - tes journées tu savais les mener - tu les avais en tête - prêtes - planifiées - du premier café debout dans la cuisine - la radio en sourdine - jusqu’à la lecture du soir - presser le bouton de la lampe de chevet - à chaque journée ses rituels et ses destinations - il suffisait de déplier - enchaîner - bien plutôt là que défenses - remparts contre l’absence - tandis que la nuit - allongée immobile sur le lit - assise devant l’écran - debout photos étalées sur le dessus de la commode - ...ce dont la nuit te protégeait... - tu avais appris peu à peu l’obscurité - son silence - et l’attention si grande - cette concentration dans l’insomnie - jamais ta mémoire n’avait été plus précise - pour ça peut-être que les morts nous revenaient toujours de nuit - pas qu’ils se cachent pendant le jour - mais se confondent dans la cohue bruyante - besoin impérieux de silence et de solitude - et cette tranquillité du corps - ne se disperse plus en gestes inutiles - veilleurs tout entiers versés dans l’attente - te protégeait de quoi d’autre sinon l’oubli ?