We are home
mercredi 11 novembre 2020, par
Un enfant sprint en riant, un couple promène son chien, une femme passe dans la nuit après une longue journée de travail… Ce lieu, au centre de la légère vie de ses habitants, propose une série de bancs en bois. On oserait penser que chacun de ces bancs a été placé à un endroit particulier, unique, dédié à une tâche bien particulière. Celui où les parents s’écrasent, heureux de laisser leurs enfants se dépenser, leur laissant quelques instants de tranquillité. L’autre sert de rendez-vous pour les collégiens, tout juste sortis d’une journée de cours, repoussant jusqu’au dernier moment le redoutable retour à la maison. Mais le dernier… Ah, le dernier, lui, il est fait pour les penseurs. Un peu à l’écart, derrière le terrain de foot, il est seul, à un pas de la nature environnante, au milieu d’un tout. Pourtant, on dirait que personne ne s’y rend jamais. Il a l’air plus usé que les autres, ceux-là ont dû être changés récemment à force d’être soumis au poids de la vie. Il est accompagné de plusieurs années d’histoires et de souvenirs. Un petit graffiti ici, la marque d’une cigarette écrasée à même le bois, un cœur gravé juste là. Solitaire lui aussi, il amène le penseur à un moment de quiétude que seule sa condition peut fournir. Ce parfait point de bascule entre éveil et sommeil, ce subtil instant entre le jour et la nuit. La clarté imperturbable. Le livre, posé dans les genoux, tenu d’une seule main, se laisse lire comme se déroule une douce mélodie. Sans à-coups, sans saccader, il défile devant les yeux de son spectateur, le plongeant dans une nouvelle histoire. Le temps aurait mieux fait de se figer autour de lui, il n’est plus là. Il se trouve à Paris, déambulant vers Le Condé. Il fréquente les Médicis à Florence. Il chasse le Graal au côté des Chevaliers de la Table Ronde. Bientôt, il relèvera la tête, pensant s’être égaré le temps de quelques minutes, pour découvrir le crépuscule, subtil instant entre le jour et la nuit…