Où Lire Où Écrire

Oloé 1

mardi 11 février 2014, par Lan Lan Huê

Il y a cette tension douce, amère qui habite le lieu.
Un lieu où lire, où écrire. Si petit ? Comment devenir locataire d’un tel lieu ? Je suis pourtant allée le visiter. J’ai exploré ses moindres recoins, sondé ses parois, ses épaisseurs, ses résonances. Sous des dehors étranges, sous des lumières contrastées d’or et de gris, il m’est apparu aussi impénétrable que ces paysages suspendus des contes. Des personnages y naissent immobiles. Des scènes qui n’ont jamais existé, s’y déploient. Le lieu doucement m’est devenu familier par d’infimes détails. Discrètes coïncidences essaimées sur le papier. Cailloux de Petit Poucet sur le chemin de l’énigme.
12 x 12 cm.
Je voyais dans ce tout petit espace carré, des chambres contigües, des espaces aux cœurs incertains. À force de les visiter, un dialogue s’était instauré. Et voilà qu’au sein d’une découpe, d’une forme, d’une fibre, une poésie de la matière doucement se lève. Qui se laisse lire et écrire.

Collage 12x12. Christine Chauviré.
Christine Chauviré

Si petit et pourtant. J’y voyais des maisons, des bâtisses aux petites fenêtres, comme celles des pays chauds où l’on veut se protéger de la chaleur.
Est-ce par ce genre de fenêtres que Shéhérazade regardait, pour imaginer ses histoires ? Des bâtisses dorées sous le soleil. Mais le soleil s’en est allé.
Là, une grande voile de jonque renversée, lâchée par quelque barque. Elle semble porter les échos d’une Odyssée intérieure. Ce n’était pas des récits d’une géographie nautique, non. Ce n’était pas des récits ethnographiques. Non plus. C’était un monde de l’intérieur, trouble, mouvant qui tanguait avec la voile. Raidie, boursoufflée, elle gonfle sous un vent qui ignore toute boussole, et de terre et de mer. Magie des formes que l’imaginaire transforme, permute. Au gré du souffle de la nuit, de celle qui porte les rêves, de celle qui habite l’espérance de l’aube.
Mais voilà que le ciel tourne à l’orage. Fines nervures de feuilles, traces qu’on imagine de fusains qui ont frotté sur la faiblesse du végétal. Entreprise impossible. Simplement imaginaire. C’est le regard qui le lit et l’écrit. Ainsi. 
Si petit et pourtant. Et de courbes en traits, tous de fossiles évoqués, de quelque terre lointaine de l’intimité, voilà qu’il rend nécessaire la fréquentation de feuilles, d’eau et de terre.

12 x 12 cm. Est-ce un lieu raisonnable pour habiter, lire et écrire, et s’en faire locataire ?
12 x 12 cm. Il accueille en son sein cette tension douce, amère, diaphane. Avec sa diagonale qui tire vers une extimité qui ne finit pas de s’y inviter. Nature, feuille, arbre, eau, fleuve, et une barque pour les atteindre.