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n°7, rue H. de Balzac

dossier Venise #2

ciel bas sur Venise, décembre 2000, pluie, aqua alta, bottes caoutchouc, voir défiler la ville par bribes, vous aviez tant marché, parié sur le hasard, les photos qu’il voulait faire, hors des sentiers battus, loin des clichés, de là à pouvoir affirmer avoir vu la vraie ville, fragments dont tu ne saurais rien dire, après tout insaisissable, tu l’avais lu à longueur de guides, impression d’errance, ces mêmes points reliés sans que deux fois le trajet soit identique, pas même sûr que le hasard, mais plutôt la ville qui vous menait par où bon lui semblait, certes vous finissiez toujours par atteindre l’endroit désiré, mais parfois trop tard, ce musée, vous aviez tant tournicoté, musée archéologique national, André têtu, sa timidité, se refusant à demander, ouverture l’après midi de treize heures à seize heures, bientôt la fermeture quand enfin y pénétrer, visite au pas de course, vous n’étiez pas là pour bien longtemps, quatre jours, ne rien rater, votre premier grand voyage depuis longtemps tous les deux, sans les enfants, en amoureux, même si le faisait râler André, gondoles ponts des soupirs... il disait rêve, parce que l’ambiance, que les pas vous portent sans trop qu’on sache, croire contrôler mais illusoire, cette impression d’être perdu, d’un point à atteindre et qu’on n’y parviendra pas, que plus on réfléchit et moins on réussit, qu’il faudrait se laisser aller mais la peur qui vous titille, d’y disparaître dans la ville, vous engloutisse, drôle de tourbillon ces quatre jours, après quoi il courait André, son appareil en bandoulière, n’en aviez jamais vraiment parlé ensemble, son jardin secret, son violon d’Ingres, sa folie douce, mais à les reprendre comme ça la nuit toutes ces photos, constater la masse que ça représentait, cette accumulation, boîtes dans les tiroirs, dossiers sous dossiers dans l’ordi, cet empilement, y circuler au petit bonheur la chance, mémoire qui s’éveille, s’y ravive, récit fragmentaire qui s’offre en désordre, autre chose que cherchait André, l’ignorer et lui peut-être n’aurait su dire, ce qu’il désirait atteindre sans les mots

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