le musée mis à nu par ses visiteurs

> Atelier 6 (Le scribe accroupi) > L’oubli

L’oubli

mercredi 12 mars 2014, par Luc Dall’Armellina

Quelque chose à ne pas oublier de moi. « L’animal » pris au piège, aux aguets. A regarder le doigt qui montre comme - dit-on - le fait l’idiot. Parce que le doigt qui montre l’étoile dit autant que la parole qui dit l’étoile. Parce que ce doigt, son intention, son mouvement, son tremblement, son déploiement, sa nonchalence ou sa menace, disent tellement bien le regard que porte celui qui parle sur ce dont il parle.

Quelque chose à ne pas oublier de moi, l’art et la manière de faire qui conduit au faire en errant dans ses plis. Comment feras tu mon sculpteur, pour pétrir ce non dit, ce silence de la veille, pour creuser ton bloc. Je n’ai que ce mutisme bavard à te donner. Mais je sais que ce silence, tu l’entends, tu l’écoute, le comprends, je le sens sur ma peau.


Scribe accroupi, vers 2700 - 2200 avant J.-C

Quelque chose à ne pas oublier de moi. Peut-être, que j’écris. Eh cris ! Oui des cris, sans voix, grattés au fil du temps sur ma tablette. Un scribe ! Un greffier ! Oui. Cette sourde entente qu’on a avec les morts, avec leur veille, et leur façon de s’inviter dans nos jours, de surgir dans nos nuits. Si vivants. Cet appel qu’on a du désir, son incessante vitalité. Cette tension qui les unit, cette brisure aussi.

Quelque chose a ne pas oublier de moi : Peut être de ne pas courrir le savoir, mais l’attention au monde qui va, aux êtres qui le parcourent, peut être cette blessure sous l’écorce, à chaque fois plus forte devant le trouble de se découvrir nu devant le dire.

Quelque chose à ne pas oublier de moi : que je suis comme vous un être de mémoire, qui voudrait la porter légère, en bandoulière comme une musette, pour la soif et la faim de la marche.

Quelque chose à ne pas oublier de moi : l’oubli ?


Texte écrit en atelier d’écriture avec Anne Savelli, musée du Louvre 2014, en interaction entre le scribe accroupi (Sully, 1 e étage, Salle 22, L’Ancien Empire, vers 2700 - 2200 avant J.-C.) et un texte d’Anna Jouy (Quelque chose à ne pas oublier de moi).