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Un jeu d’enfant
mardi 28 janvier 2014, par
« Une œuvre d’art devrait toujours nous apprendre que nous n’avions pas vu ce que nous voyons »
Paul Valéry
devant la peinture rien d’elle
pour la comprendre le poème peut m’y aider ce que je crois comprendre suivre le voir
je m’en détourne, ce qui m’attire, note à la hâte, mon poème
Ses premiers mots balbutiements en désordre
Et tout d’abord la douceur des visages
La trajectoire des regards, le sourire, pieds nus sur la roche friable
montagne dans un bleu trouble, lointain
rien à voir avec celui des tuniques des manteaux
L’arbre isolé dans la chaleur insupportable du paysage italien
Similitude des visages familiarité des liens
Ne pas chercher le sens de ce qui est peint le peindre avec des mots
Le bleu de lapis-lazuli, le blanc de plomb, le brun des terres, le rouge de kermès, le vert de cuivre, le jaune de plomb et d’étain
geste affectueux protecteur vers l’enfant
Ne plus la retenir
contemplative, légèrement en retrait
Dans cette légèreté une forme de ponctuation
un temps
un regard
voir ce qu’on n’a jamais vu le jeu de transparence des étoffes, les plis infinis
des robes
parvenir à révéler ce qui s’y dissimule :
le temps
pieds nus, oubliées les sandales
paysage
en déséquilibre
la couleur du drap bleu disparu sous le rouge de la robe
levons le voile
une question pourquoi reste toujours la question même si ce n’est plus tout à fait la même au fil du temps du regard de ses changements
un jeu de lumière
La peinture transforme mon regard change sur elle sur moi ce qui m’entoure parfois troublé par le temps qui est ce que je ne peux pas
voir
devine
Ne pas donner sa langue au chant ?
dimension historique des rajouts qui transforme
hystérique le regard porté sur la peinture
ce qu’il reste de peinture et de bleu après effacement
rincé
montagnes d’un rêve lointain
perspective atmosphérique aux accents bleutés, cristallins
figures et paysage enveloppés d’un voile vaporeux, évanescent de bleuté
ce qu’on appelle l’oubli ?
Avant, ils étaient quasiment verts
Les mots guident nos pas pour mieux nous perdre, ne pas chercher les phrases comme les coups, les phrases c’est pour raconter des histoires, analyser ce que l’on voit, ce que l’on vit.
Lâcher prise
L’innocence sacrifiée
Le voir sans le savoir
L’enfant tient l’animal, empoigne d’une main son oreille droite, sa jambe glissant autour du licol l’attirant vers le sol de tout son poids, la pression de sa jeune main
Brebis patte pliée, recourbée, genou à terre, bête vaincue
Ressemblance troublante des deux femmes
de la même famille
La position inédite l’une sur l’autre, regard entre la mère et son enfant, la jeune femme assise sur les genoux de
sa mère
visage presque aussi jeune que celui de sa fille
Ne pas chercher un sens en dehors du tableau, raconter une histoire qui n’existe pas, inventée de toutes pièces, pièce rapportée comme un bout de tissus rapiécée à même la toile mensonge
vautour caché dans le drapé
d’une apparition fantomatique
délire d’une lecture éhontée
image-devinette inconsciente
d’un cauchemar enfantin ?
Mystère profond, l’écouter plutôt que le faire parler, s’en faire l’écho
là juste sous nos yeux ?
Sentiment d’étrangeté
vive les couleurs notamment le bleu du manteau dans ses plis
drapé confus, palimpseste
malaisé à saisir, le contour d’une forme
fantôme distante sourire discret main sur la hanche
lointaine présence émouvante dans l’ombre
en retrait
disparaître derrière
figure tutélaire au souvenir toujours présent
par-dessus son corps les plis de sa tunique
elle se penche
toute la lumière sur son visage sa nuque nue chair offerte rose
sa courbe douce maternelle
elle se penche
pour le retenir l’empêcher de tomber dans le gouffre surtout
passer de l’autre côté
les quitter nous apparaître
ce qu’il y a entre nous
Le propre du regard dans son envers
Les figures s’emboîtent les unes dans les autres
corps à corps avec la peinture
l’agneau
Incarnation du Christ
le précipite devant nous
tentant de retenir innocemment
cet enfant
vers sa perte
Quelle chute donner à un drapé ?
Le temps d’une forme, divin dessein
une vie
mélange des registres
L’humain et le divin
Le fini et l’inachevé
La peinture et le dessin, les esquisses, les essais, les répliques et les cartons pour le report sur la toile à venir
Petits trous qui révèlent en pointillé les contours des figures à dessiner : un jeu d’enfant