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Il était en paix
dimanche 3 avril 2016, par
Musée du Louvre, 20 janvier 2016.
A 19h16 se présente devant moi, psychologue chef des armées, une personne qui déclare ne pas savoir qui elle est. Je l’écoute attentivement.
Elle dit « venir pour le meurtre de son fils, arrêté la veille par des soldats. »Il aurait été « dénoncé à Ponce Pilate pour trouble de l’ordre public ». Elle prétend que « c’est faux ». Le lendemain, elle le revoit « dans la rue avec une couronne d’épines sur la tête : on voulait le faire passer pour un roi, le roi des Juifs. Mais dit-elle, il n’est pas le roi des Juifs, il est le fils de Dieu ». « Ca fait 33 ans » qu’elle le « connaît ». Elle ajoute « qu’on n’a pas le droit de faire ça à une mère ». Elle veut porter plainte « parce qu’ils l’ont mis sur une croix ». Elle pense qu’ « il y est encore « et voudrait qu’ « on le descende de sa croix ». Elle hurle : « Pour le crucifier, pour le torturer ».
Le discours s’avère complètement décousu et répétitif (la femme poursuit, sans fin). Toujours et encore, elle ressasse son innocence. Elle se dit triste et en colère, affligée, avec deux « f » précise-t-elle (certainement parce qu’elle est institutrice).
Tout semble indiquer qu’ elle vit dans une autre temporalité, obsédée par le fait que son fils est encore sur la croix. Le seul retour au présent est lié à l’inquiétude de savoir ce qu’on va faire de ses propos.
Bilan :
Cette personne présente des troubles paranoïaques (« J’ai toujours été mise à distance ») ainsi que des troubles hallucinatoires (« Ce sont des gardes, sur des chevaux, avec des pics qui empêchent la foule de se s’approcher »). Elle semble revivre certaines scènes.
Forte suspiscion de tendances schizophrènes. La patiente évoque des miracles et revient sur le fait que son fils est le « fils de Dieu ».
A 19h27, elle veut cesser l’entretien. Elle se lève et semble s’adresser à un interlocuteur invisible. Elle se calme et se rassied.
Elle dit que son fils n’avait pas l’air de souffrir, contrairement aux autres. Elle se tait et se mure dans un long silence. Puis elle me regarde fixement : « Il était en paix ».
PLF
En atelier avec Cécile Portier Le Louvre, 20 janvier 2016
à partir du retable de Niccolo di Liberatore (dit L’Alunno) 1430-1502
composition : Deux anges portant un cartouche ; Le Christ au Jardin des Oliviers et la Flagellation ; Le Portement de Croix ; La Crucifixion ; Joseph d’Arimathie et Nicodème sur le chemin du Calvaire. 1492