Marie Couette
pages ~031-40
L’histoire de Marie Couette est tellement extraordinaire qu’il faudrait lui consacrer un roman à part entière. Je la fais intervenir ici pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, je précise d’emblée :
Marie Couette n’a jamais croisé Robert Keller.
Avant de décliner son impressionnant C.V., qu’on peut lire dans Le Maitron, ou écouter ici, avec l’histoire de la crise d’appendicite simulée pour s’évader.
Il s’agit pour moi de faire intervenir des personnages complètement en-dehors de la Source K, dont les liens ne peuvent avoir été que de proximité d’action, de proximité géographique. Dépeindre la Résistance, ce qu’on appelle "la Résistance", se heurte aux effets de la clandestinité. On ne laissait pas de trace. D’où l’importance des témoignages des survivants. Ensuite, dans une même ville, différents "groupes", ou "mouvements", pouvaient se croiser et s’ignorer involontairement, ou volontairement comme par protection. Parfois, et peut-être souvent, "résister" était une action ponctuelle, jamais répétée. Ou une action réitérée quelque fois, en lien ou non avec des militants plus organisés. Le travail d’un groupe pouvait profiter indirectement à un autre groupe. J’aime à penser que le fruit d’une écoute a été transporté par des postiers qui ont été en contact avec Marie Couette. Sans savoir ce qu’ils transportaient, sans connaître qui leur avait donné ni à qui ils le donnaient, par exemple à la SNCF (voir employés des wagons-lits).
Des scènes, qui semblent non liées à l’affaire principale du roman, où interviennent d’autres groupes, d’autres personnages (voir Lloubes et Reboul), sont liées par l’esprit de Résistance.
Au bureau des Postes de la rue Littré, un jour d’octobre 1940, Marie Couette soulève comme chaque jour la grille métallique un peu avant huit heures, puis la rabaisse. Deux vitrines arrondies encadrent la double porte battante surmontée d’un énorme combiné téléphonique plat, enseigne de bois laqué de noir. Le courrier arrive dans la cour par la porte de service sur rue, une heure plus tôt environ. Jean Lloubes et Gaston Lebeau le trient en attendant la receveuse. Ils ne parlent pas, rien que quelques mots échangés, pour se lancer et, à huit heures moins dix, Marie Couette arrive et les libére du pesant silence. Les lettres frappées du drapeau Nazi sont empilées à part. Il suffirait d’un geste, d’une négligence, pour que l’une d’entre elles tombe. Que contiennent ces lettres ?