l’opération Jubilee
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Parmi les écoutes qui ont dû compter, celles d’août 1942 sont sans doute en tête. Encore une fois, on ne sait pas précisément, mais forcément, les comptes-rendus de l’opération sont passés jusqu’à Berlin et, avant cela, toute information pouvant permettre de localiser et évaluer le nombre des troupes sur la côté Mer du Nord/Manche, a été entendue, notée, rapportée. Dans ce passage, c’est à une déroute qu’assistent les opérateurs, en direct. On sait qu’un bateau de reconnaissance, qui ne devait pas être là, a croisé un ou plusieurs bateaux allemands, que personne n’avait vu venir. Les Allemands ont pu donner l’alerte, et deviner ce qu’il se passait. Ou encore cela confirmer des informations qu’ils avaient déjà, et ils étaient prêts, en cas de débarquement, en cas d’attaque par la côte, à réagir vite.
Les témoignages disent que cette opération, malgré son coût en vies, a permis d’obtenir et vérifier des informations cruciales, révélant aussi par là le caractère inhumain de la guerre, de devoir payer un tel tribut, dans le camp qui se défend, pour pouvoir gagner ; pouvait-il en être autrement ? Comme ce moment dans le film de Morten Tyldum, The Imitation Game, quand certaines informations ne peuvent être utilisées pour sauver un bateau, au risque de compromettre toute l’opération de déchiffrement d’Enigma... Horrible dilemme.
Quant à la Source K, quand j’écris (plus tôt dans le texte) que ce "qui s’est passé est bien connu, mais le rapport avec la Source K à peine effleuré", je fais allusion à une mention par Henri Navarre, cité sur le site de l’AASSDN.
Le 19 août 1942, il fait encore nuit quand Prosper Riss, qui est seul de garde à l’écouteur, entend les premiers comptes-rendus allemands de la bataille de Dieppe qui se déploie – l’opération Jubilee. Il en ignore l’objectif. Est-ce une bataille de territoire ? Un raid visant à affaiblir l’ennemi ? Depuis plusieurs semaines, ils ont envoyé les positions des divisions de blindés, des navires, et si une opération doit avoir lieu, elle sera éclair, efficace, gagnante. Mais cela ne commence pas comme il s’y attend.
Le ciel commence à peine à s’éclaircir, il est 5 heures du matin au moment du premier appel allemand qui signale la présence de péniches ennemies au large de Berneval. Les appels se multiplient, il ne peut pas tout noter, il prévient Keller : Rocard et Jung doivent venir le plus vite possible.