Conversation, 4
pages ~111-120
Quatrième conversation du roman, supprimée (voir ici).
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Edmond, tu vois comment l’opération à venir, les risques de recommencer, comment perçois-tu le Général Rivet et… – Oh, moi, tu sais, dis-moi plutôt, toi, tu racontes ça comme si tu y étais, bon, et après ? – Oui, peut-être un peu trop, tu as raison, comme si c’était facile d’en parler, d’écrire dessus... – Tu n’as pas autre chose à écrire plutôt ? Tu n’as pas des guerres chez toi ? – Le monde d’où j’écris, oui… Les guerres sont là, à portée de missiles, avec l’économie autour bien ancrée maintenant, vingt mois d’invasion, on croise des réfugiés chaque jour. – Alors, que fais-tu, je ne sais pas, ce n’est pas chez toi, ça y est quand même, un peu, mais quand ça y sera vraiment ? – Et ce n’est pas la seule guerre qui a éclaté pendant que j’écrivais… – La guerre, sache-le, n’est jamais qu’en pause. – Je vois ça oui, parfois la distance médiatique éteint les conflits, mais ils sont là, tout le temps. – On ne vit que des périodes de paix dans un monde de guerres, d’où l’importance de l’armée, jeune homme ! – J’ai le privilège d’avoir vécu sans avoir à prendre de décision radicale, ou plutôt sans avoir à emprunter ces bifurcations, parce que je n’ai pas l’impression que ce sont des décisions à proprement parler, comme on l’entend en temps de paix. – Tu as raison, comme Commandant, je ne décide pas réellement, je suis la voie tracée par la guerre, et cette éthique me guide, j’ai le drapeau, mon patriotisme… – Alors, ça oui, sans doute, mais moi, tu sais, les drapeaux… – La liberté, appelle-ça comme tu veux. – Je ne veux pas d’un aller simple vers un monde inconnu, sans possibilité de choisir. – Tu as l’impression d’écrire un autre monde, un monde du passé, mais es-tu certain que ce n’est pas ton monde qui est là et que tu ne vois pas ? – Tu veux dire aussi que c’est le monde qui vient ? Je suppose, tant qu’il y aura des riches pour envoyer leurs pauvres se taper dessus, tant qu’on vivra dans un monde où une poignée exerce sa domination sur une multitude, il y aura guerre – On peut le dire comme ça j’imagine, à moins d’un miracle… Mais dis-moi, écrire ce livre répond à tes questions ? – Aurais-je été résistant ou bourreau ? Je me dis que j’aurais été plus probablement dans ce tissu social aidant, fermant les yeux, passant son chemin, au fond je ne peux rien dire de plus, car le moment venu, la bifurcation me prendra, et je le découvrirai alors