Conversation, 2

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Deuxième conversation du roman, supprimée (voir ici).

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Et ça t’amuse ? – Pardon Marie – Madame Couette ! – Pardon, mais je veux à la fois rendre hommage et écrire… – Écrire un roman, j’ai bien vu, mais tu ne crois pas qu’il y a comme un problème ? Je ne connaissais pas encore ni Lloubes ni Reboul à la date que tu dis – Je sais, cela fera partie d’un avant-propos où j’expliquerai comment je me suis arrangé, et le moins possible, entre réalité et fiction pour rendre compte d’une époque, réfléchir sur l’engagement et l’action politique, et rendre hommage à des noms que j’ai croisé dans mes recherches et dont les histoires m’ont marqué – Mais nous ne sommes pas que des noms, j’aurais préféré qu’on raconte mon histoire, pourquoi Robert Keller a son histoire et pas moi, Marie Couette née Bluet ? – Justement, par fragments, je montre l’étendue de ce que pouvait être des mouvements de résistance, soldats et non-soldats, de droite, de gauche, ouvriers comme le vôtre – Monsieur est trop aimable – Je fais se rencontrer des esprits de Résistance et ce qui m’intéressait c’est Robert Keller dont j’ai découvert le nom à côté de chez moi, rue du Réseau Robert Keller, cette histoire de câble... – Sacrée coïncidence. Alors je n’ai pas la chance d’avoir de nom de rue ? C’est bien ça ? J’aurais bien aimé, rue du Réseau Couette, ça en jette ! J’aurais sans doute dû m’appeler Raymond Couette ou Prosper Edredon. Enfin, t’en dis quoi, toi le romancier ? – Je ne me considère pas romancier – Ah bon ? Eh bien on dirait pas ! – Enfin, je suis peut-être romancier mais ce n’est pas la question – Et c’était quoi la question, tu perds le fil on dirait – Voilà, je voulais tisser une fiction avec des éléments du réel – Tu aurais pu t’y prendre autrement, on ne demande pas grand-chose nous autres, simplement qu’on raconte notre histoire telle qu’elle s’est produite – Mais c’est impossible, je suis obligé d’inventer les dialogues, les sensations, les pensées, le temps qu’il faisait, les vêtements... Tout est invention, il n’y a pas de récit historique possible alors autant faire complètement, non, un peu, enfin, disons, autre chose qui soit aussi la même chose, le même esprit, un caractère poétique – Parce que tu es en train de me dire qu’il ne s’agit pas d’un roman historique ? – C’est ça, au fond je crois que j’écris un roman de l’engagement, avec de l’action, où la déférence envers vous se situe ailleurs que dans la série chronologique de faits rapportés – Et elle se situe où, la déférence, mon garçon ? – Je ne sais pas, j’écris peut-être pour le découvrir, je n’ai pas vraiment prévu, je n’ai pas vraiment d’intention ; après tout, les engagés l’avaient-ils prévu ? – Non, tu as raison là-dessus, on a improvisé avec les moyens du bord, on pouvait pas savoir bien entendu, il a fallu se chercher, entre copains, entre pas copains même, et se trouver – Vous ne vous attendiez pas à cela, et vous avez agi – C’est ça, on n’avait pas d’ordre, mais on a agi. Dis-donc, tu ne vas pas comparer ta situation à la nôtre, tout de même ? – Comparer, non, mais je peux m’identifier – Eh bien. J’espère que t’en tireras quelque chose pour toi, et pour les gens qui vont te lire…