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Gabrielle entre en scène
lundi 20 janvier 2014, par
Le rideau s’ouvre sur Gabrielle et sa sœur qui posent nues devant le peintre. Elles se tiennent côte à côte dans une baignoire recouverte d’un tissu de soie grise. Elle sont placée de trois-quarts, légèrement tournées l’une vers l’autre mais regardant en direction du public. Le bord de la baignoire forme le premier plan du tableau et dissimule en partie la nudité des deux jeunes femmes, on ne les voit que jusqu’à la taille. La baignoire est surmontée d’un baldaquin de soie rouge. Les pans du baldaquin sont relevés à l’avant, celui de droite, du côté de Gabrielle, est maintenu par un gros noeud. Celui de gauche, est soulevé. A l’arrière, les pans du rideau sont légèrement tirés, afin que l’on puisse apercevoir le fond de la pièce, dans l’ombre, éclairé seulement par un feu de cheminée. Le feu n’est pas très vif, il s’éteint doucement. A gauche de la cheminée, une femme de chambre est assise, la tête inclinée sur son ouvrage de couture (on distingue une bande de soie gris clair, qui rappelle le tissu recouvrant les bords de la baignoire). Elle est vêtue d’une longue robe rouge, dont le tissu rappelle celui des rideaux, surmontée d’une collerette. Au-dessus de sa tête, est accroché un miroir carré, qui ne reflète rien. Devant la cheminée, un coffre recouvert d’un tissu vert. Au-dessus de la cheminée, on aperçoit le bas d’un tableau sur lequel on distingue des jambes nues, celles d’un homme à- demi vautré au pied d’un lit, avec un tissu rouge qui passe entre ses jambes. L’éclairage met en lumière le teint pâle des deux jeunes femmes, laissant le reste de la scène dans la pénombre, juste éclairée par la lueur du feu dans la cheminée. Les deux jeunes femmes, bien qu’elles soient censées prendre leur bain, sont impeccablement coiffées et maquillées, et portent des boucles d’oreilles ornées d’une perle. La coiffure de Gabrielle, volumineuse et toute en hauteur, met en valeur la finesse et la rondeur de son visage. Ses cheveux sont blonds et crêpelés. Ceux de sa sœur, couleur acajou sont peignés et relevés de la même façon.
LA SŒUR — (sans regarder Gabrielle) Est-ce vrai ce que l’on entend dire dans les couloirs du Louvre, que le roi Henri vous a fait partager sa couche ?
GABRIELLE — (gardant la tête bien droite) Ce n’est un secret pour personne que la Reine est stérile et qu’ils ne dorment plus ensemble depuis fort longtemps déjà.
LA SŒUR — (très droite, pinçant légèrement le téton de Gabrielle entre le pouce et l’index repliés en anneau) Ce joli tétin me semble déjà bien dur et gonflé. Je ne serais pas surprise qu’une naissance soit prochainement annoncée.
GABRIELLE — (appuyant son bras droit sur le rebord de la baignoire et laissant pendre mollement la main, le petit doigt écarté et l’index à peine relevé) Oui, en effet, il m’a déjà fallu faire desserrer les liens de mon corset et j’ai peine à dissimuler la rondeur de mon ventre.
LA SŒUR — (avec un petit sourire sournois) Pensez-vous que le Roi ait vraiment l’intention de vous épouser ?
GABRIELLE — Oh oui, n’ayez crainte ! (Elle montre une bague qu’elle tient pincée entre le pouce et l’index formant un anneau) D’ailleurs, il m’a déjà donné un gage : Voyez cette bague. C’est un saphir qu’il a fait monter sur l’anneau remis lors de son investiture, signant son alliance avec la France. Il m’a signifié son intention de faire de moi la prochaine reine de France.
LA SŒUR — (légèrement offusquée) Mais vous n’y songez pas ! Toute la noblesse de ce royaume est contre vous, le peuple vous traite de catin et vous déteste, vous accusant de ruiner le royaume par votre goût pour les toilettes et les bijoux.
GABRIELLE — (l’air énigmatique) Il est vrai que le Roi lui-même ne se distingue pas par sa propreté ni par son élégance, et qu’il passe peu de temps à sa toilette. Mais j’ai bon espoir de l’amener à changer, sur ce point.
LA SŒUR — (la mine pincée) Là n’est pas le sujet, Gabrielle. Et surtout, ayez en l’esprit que vous êtes déjà mariée et que le Roi a lui-même une épouse légitime.
GABRIELLE — (sûre d’elle) N’ayez crainte sur ce point, ma sœur. Rien de plus facile pour le Roi que de dissoudre mon précédent mariage.
LA SŒUR — Certes, mais il n’en sera pas de même lorsqu’il s’agira de dissoudre son union avec Marguerite de Valois. Le Pape s’y opposera formellement.
GABRIELLE — Ma sœur, sachez que rien ni personne ne pourra s’opposer à notre union, pas même le Pape.
LA DAME DE COMPAGNIE — (relevant soudain la tête vers le miroir au-dessus d’elle) Oh ! Quel horrible présage je viens d’avoir ! Et cet affreux velours vert sur le coffre ! Qu’on le fasse retirer immédiatement !
Elle quitte la scène précipitamment.