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Un atelier d’écritures (PACT) au Louvre avec Cécile Portier
vendredi 26 février 2016, par
Le corps humain fait l’objet de nombreuses représentations dans les oeuvres exposées au musée, que ce soit en sculpture, en peinture, en dessins. Il en est un autre - celui du visiteur - qui leur fait face ou leur tourne le dos, leur donne parfois comme une réplique, inquiète ou mimétique, empathique ou médusée... A quelles sortes de dialogues – comme en attente - ces corps se livrent-ils ensemble ? Qu’ont-ils à partager ?
Peut-être une certaine crainte de la perte ?
« Je me disais jadis que je ne perdrais jamais quelqu’un si je le photographiais assez »
dit Nan Goldin (I’ll be your mirror)
Le corps, Michel Bernard en pose le problème en ces termes : je le cite (Le corps, Seuil, Paris, 1972) : « (le corps) la vie nous l’impose quotidiennement, puisque c’est en lui et par lui que nous sentons, désirons, agissons, exprimons et créons. Bien plus, toute autre réalité vivante ne s’offre à nous que dans les formes concrètes et singulières d’un corps mobile, attrayant ou non, rassurant ou menaçant. Vivre en ce sens n’est pour chacun d’entre nous qu’assumer la condition charnelle d’un organisme vivant dont les structures, les fonctions et les pouvoirs nous donnent accès au monde, nous ouvrent à la présence corporelle d’autrui. »
Ce corps en effet, est une réalité sans cesse divisée entre, je cite Paul Ardenne (p 7) :
« un objet et un sujet ; le support du moi mais, aussi bien, celui d’autrui ; une incarnation, et tout autant une représentation. Un complexe, en somme, tandis que la vie se charge d’harmoniser du mieux possible ces pôles d’appréhension divergents du phénomène corporel ; et un problème, de fait, sitôt et pour peu que défaille cette mécanique d’harmonisation. »
Incarnation et représentation, c’est entre ces deux états, entre ces deux statuts du corps, le nôtre, de visiteur au musée, et celui ou ceux qui font l’objet de nos visites, de nos regards, de nos attentions, offerts à notre regard dans des portraits ou sculptures d’artistes.
Nôtre de corps de visiteur au musée, est mobile, vivant, mais contraint par des années d’habitude, de convention, de conditionnement, qui nous viennent à la fois du plaisir jaloux que l’amateur d’art érudit du 17è siècle entretenait avec la collection de son cabinet de curiosité privé ; de la ferveur de la foi et de la crainte divine qui a régné longtemps dans les églises ; enfin de la raison sensible qui s’exerçait dans les Salons décrits par Charles Baudelaire et où s’inventait la critique moderne, mais aussi notre rapport contemporain à l’art.
Nos silences, nos murmures, nos déplacements feutrés, nos pauses, nos attitudes toutes d’intérêt et de révérence, sont assurément les signes de l’incorporation consciente ou non de ces héritages, longuement acquis par la fréquentation et l’évolution des musées.
L’anthropologue anglaise Sharon Macdonald analyse dans son article « Un nouveau « corps des visiteurs » : musées et changements culturels » 1993, l’évolution des regards des musées envers leurs publics. Elle soutient que les musées aujourd’hui ne sont pas seulement des lieux d’exposition d’artefacts et de création de certains domaines du savoir, mais aussi […] des lieux d’exposition et de création de « publics » ou de « corps de visiteurs » particuliers. En d’autres termes, la vision du visiteur — d’un visiteur « idéal » pourrions-nous dire - est inscrite implicitement, et parfois explicitement, dans les objets exposés.
Cette vision du musée nous intéresse beaucoup je crois pour la pratique de notre atelier d’écritures car elle n’oppose ni ne cherche à isoler les œuvres et les visiteurs mais plutôt à les comprendre dans un ensemble, dans un tissu complexe et mouvant, vivant, et sensible.
Mais, bien que je n’ai rien dit ou presque de l’autre corps, celui, représenté, auquel nous ferons face, avant d’écrire. C’est là l’espace de propositions de Cécile Portier, qui va nous emmener vers ces contrées.
Luc Dall’Armellina
an appui sur :
Paul Ardenne, L’image corps, figures de l’humain dans l’art du XXe siècle, Editions du Regard, 2011
Michel Bernard, Le corps, Seuil, Paris, 1972
Sharon Macdonald, « Un nouveau « corps des visiteurs » : musées et changements culturels » 1993