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Quand le modèle s’adresse au sculpteur

mardi 4 février 2014, par Nathalie Pierrée

Quelque chose à ne pas oublier de moi : L’éclat de mes yeux.
Quelque chose à ne pas oublier de moi : Mes doigts très effilés. Mes mains sont longilignes, elles n’ont presque pas de paume, elles ne sont pas faites pour agripper, retenir, ce sont des mains faites pour écrire et pour dessiner.
Quelque chose à ne pas oublier de moi : Les lignes courbes de mon corps, la courbe de mes clavicules qui fait le tour de mes épaules arrondies.
Quelque chose à ne pas oublier de moi : Mon cou est trapu, presque inexistant, ma nuque est un peu courte.
Quelque chose à ne pas oublier de moi : Mes oreilles très grandes par rapport à mon visage.Ma bouche à mi-hauteur entre la base du nez et celle du menton. Mes yeux placés très haut dans mon visage. Leur contour est souligné par une ligne de khôl, qui les étire en amande, de sorte qu’ils paraissent plus grands qu’ils ne sont en réalité.
Quelque chose à ne pas oublier de moi : La finesse de ma bouche et de mon nez, mes pommettes saillantes, la vivacité et l’intensité de mon regard.
Quelque chose à ne pas oublier de moi : Mon corps est un peu gras, mon ventre est surmonté d’un bourrelet, juste en-dessous des pectoraux. Ce bourrelet forme une ligne courbe qui souligne la rondeur de mon ventre, symétrique à la courbe de mes clavicules.
Quelque chose à ne pas oublier de moi : Je me tiens assis bien droit, mon dos est massif et robuste, traversé par un sillon vertical. Ma taille est peu marquée, encadrée de deux bourrelets, je n’ai pas de muscles apparents. Mes cuisses et mes jambes sont repliées dans la position du scribe, entourée du seul vêtement que je porte pour la pause, un pagne qui me sert de support pour le rouleau de parchemin tendu sur mes cuisses. Ne t’attarde pas sur le rendu de mes jambes, elles seront seulement stylisées, taillées en plans obliques. Mes pieds seront à peine apparents sous mes cuisses repliées.
Quelque chose à ne pas oublier de moi : Mes bras légèrement détachés de mon buste, dans une position détendue et confortable.
Quelque chose à ne pas oublier de moi : Vue de face, ma silhouette s’inscrit dans un triangle. Le volume de mes jambes repliées sous le pagne tendu s’inscrit dans une pyramide inversée.
Quelque chose à ne pas oublier de moi : Je ne suis pas scribe de mon état. Je prends seulement la pause pour les besoins de la postérité, afin que ton oeuvre traverse les siècles et qu’elle m’aide à passer dans l’au-delà. Je souhaite que l’on garde de moi l’image d’un philosophe qui aimait à s’asseoir pour méditer.


Texte écrit d’après l’oeuvre : "Le scribe accroupi". Antiquités égyptiennes