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L’anneau

vendredi 26 février 2016, par Laurent Alexandre

Je ne sais pas quel diamètre donner à l’anneau. Quel rôle doit- il jouer dans la toile ? Le geste circulaire de ma main peine à se positionner sur son lobe. Je la regarde. Son œil me fixe, sa poitrine se soulève. Respire-t-elle seulement ou soupire-t-elle de lassitude ? Déjà plusieurs heures qu’elle est assise là. Elle semble à la fois résignée et intriguée. Mais elle ne se plaint pas. Accoutumée, peut-être ?...

Sans se poser sur la toile, mon pinceau repasse sur le contour du téton, puis sur celui de l’œil. Pourquoi tant de difficultés à peindre l’anneau qu’elle ne porte pas mais que j’ai décidé de lui attribuer pour ma peinture ?

Je porte ma main à mon oreille droite, ce geste suffit à provoquer chez elle un léger sourire comme si elle comprenait mon désarroi. A-t-elle senti que je cherche à l’affubler d’un accessoire supplémentaire, comme s’il n’y avait pas déjà suffisamment d’artifices avec cette coiffe, cette robe, cette étoffe jetée sur le siège où je l’ai posée. Et pourquoi son oreille ne pourrait-elle, finalement, se présenter telle qu’elle est ? Quelle marque suis-je en train de lui porter ?
Mon pinceau tourne et retourne sur la partie inférieure de son oreille. C’est alors que, d’un simple mouvement, elle porte sa main droite à cette oreille. La voir déplacer ce bras, ce bras resté longtemps posé sur sa cuisse, et probablement ankylosé, pour venir caresser le lobe, ce mouvement assuré ne permet plus la moindre hésitation quant à la forme à donner à l’anneau.

Assurément à mon tour, je plonge le pinceau dans la matière étalée sur la palette et je le charge de la couleur qui viendra mettre la touche ultime à ce travail.

Laurent ALEXANDRE


En atelier avec Cécile Portier Le Louvre, 6 janvier 2016
à partir de : Portrait d’une négresse (salon de 1800) H. : 0,81 m. ; L. : 0,65 m. Marie-Guillemine Benoist (1768-1826)