Edouard Jung
pages ~041-50
Dans plusieurs documents, on trouve le nom d’Édouard Jung, né en 1913, comme premier opérateur, locataire du pavillon s’étant fait passer pour agent d’assurance.
J’ai à un moment donné cru qu’il s’agissait de Prosper Riss, né en 1921, puisque Edmond Combaux parle d’un "jeune opérateur alsacien". Mais le témoignage de Riss, pris par Henri Michel, nous informe qu’il n’est intervenu que sur l’opération de Livry, jouant là-bas le rôle que Jung avait joué à Noisy, mais sans le dire comme ça, c’est-à-dire que je reconnais dans la démarche ce que j’ai lu sur Jung dans les documents de l’AGEAT, repris par Le Point n°957 du 21 janvier 1991. Cela s’appuie sur tout ce que dit Combaux, mais sans nommer Jung précisément. Le dossier de résistant n’est pas plus explicite.
C’est en comblant les vides que l’on peut ensuite mettre le nom de Jung sur ce personnage alsacien du témoignage de Combaux. C’est en effet l’autre alsacien, et si on ne met pas son nom ici, à la place de "jeune alsacien" (alors qu’il est plus vieux !), c’est comme si Jung n’avait pas participé. C’est impossible, donc c’est lui...
Voici un extrait du "témoignage" de Prosper Riss, en réalité remis à la troisième personne, en style indirect, par Henri Michel :
Le document le plus proche des faits est le manuscrit du colonel Paul Paillole sur la source K (SHD / GR 1 K 545 / 379). On peut y lire que Jung est le premier opérateur, 24 heures sur 24, recruté par le Capitaine Simoneau, avant d’être rejoint par Rocard en juin, puis Riss en juillet. C’est dans ce manuscrit qu’on apprend le nom d’assureur de Jung : Dormeuil. Et sa couverture lui permet de recevoir des "clients". Quant à Rocard, qui doit rester les nuits, c’est son "frère".
Il marche vers l’est, mettant ses pas sur le tracé du câble enfoui sous la Grand rue, puis Route de Champs, dans le beau temps, dans l’espoir de trouver un endroit où, comme à Alger, il pourra enfin s’asseoir et écouter. Simplement, il a l’impression, une impression de déjà-vu, de marcher droit dans la gueule du loup. Édouard Jung a déjà passé du temps dans l’infanterie, marché dans le désert, fusil en main, veillé par des nuits glacées fouetté par le sable, il a été passager d’un sous-lieutenant qui calait le volant du camion entre ses genoux, une pierre sur l’accélérateur, pour traverser cent kilomètres de désert de pierre à quarante à l’heure en faisant la sieste, il est maintenant conduit, comme n’importe quel quidam à la recherche d’un emploi, d’un logement, en autobus urbain dans une banlieue boisée et parfumée, pour chercher une cave où écouter les allemands à l’abri. S’il vient ici, c’est que les cartes ont parlé, le lieu est idéal, et puis, des hommes de Turma Vengeance, ont parcouru plusieurs villes sur la ligne pour dresser un inventaire de maisons à louer, de maisons abandonnées, Combaux a fait la même chose de son côté, à bicyclette de Paris à Crécy. C’est avec des souvenirs de téléphones modifiés qui ne se raccrochent jamais, dans la diaphonie de conversations secrètes de salon, que Jung arrive en vue d’une place éloignée du centre, pas encore la campagne, où se trouvent plusieurs cafés, avec un magnifique début de printemps tout autour.