Collage surréaliste entre scènes de vie au Louvre
vendredi 2 mai 2014, par
Celui qui est à l’entrée de la forêt et hésite à aller plus loin, à s’enfoncer dans ce fouillis inextricable de branches feuillues et de troncs rongés par les termites.
Ceux qui, gueules ouvertes, s’apprêtent à se massacrer, l’œil dardant leur haine, les corps en appui sur le tronc pourri d’un sous-bois.
Ceux qui volètent autour des belligérants indifférents, tout au renouveau printanier.
Celle qui porte un pantalon rose pastel et celui qui porte un short court de la même couleur. Ils sont frais et papillonnants.
Celui qui agonise et cherche son souffle. Ses entrailles sortent de son flanc, petits sachets visqueux et rosâtres. Se lit dans son seul œil ouvert un denier élan de vie.
Celles qui, vaillantes encore, arpentent les salles de l’École du nord, un pliant à leur mains, vielles bourgeoises minces et complices.
Celle qui sourit bien que son cou soit pris en étau dans sa collerette immaculée, guillotine dentelée. Celle dont les mains sont croisées, les cheveux retenus dans une coiffe austère. Cette mort-vivante dont l’impassibilité n’est entamée par aucun mot, aucune fioriture.
Celui qui dessine patiemment, à la sanguine, la tête d’un enfant espiègle et chapeauté.
Ceux qui prennent des proportions tentaculaires au point de courir le long des murs, sur les plaintes, dans les escaliers, envahissant les étages quand bien même il eut été préférable qu’ils ne quittassent pas leur corbeille. Ceux-là font peur : ils ont l’allure de grosses mygales tissant leurs toiles à l’insu des propriétaires du lieu.
Ceux qui regardent l’incendie dans une fascination morbide, sûrs de réchapper au plumet rougeoyant et orgueilleux. Ceux qui s’affairent et essaient de lutter contre l’avancée inexorable de l’ogresse insatiable. Ceux qui comprennent que dans cette grande marmite mijote le destin de l’humanité.
Ceux qui veulent monter en anglais ; ceux qui veulent descendre en français. Ceux qui attendent l’ascenseur. Ceux qui rêvent que l’ascenseur ne s’arrête pas exactement à l’étage demandé. Inadéquation vertigineuse.
Ceux qui sont pauvres, en haillons, les pieds crottés dans leurs sandale, le corps chenus recouvert grossièrement de capes, repentants d’avoir eu des pulsions meurtrières.
Ceux qui protègent la femme adultère de ceux qui ont les doigts crochus prêts à lacérer. Ils portent des casques luisants. Celui qui se tient entre eux, le doigt pointé, sobre et digne, entouré d’un halo de lumière
Celle qui ne se lasse pas de cette éloquence muette du geste, de l’image.