Il explique à ses enfants que, dans les provinces de l'Empire, les volailles naissent avec des foies de volailles. De paix comme de guerre, en somme par tous les temps, le Parisien va surtout à la campagne pour chercher son jambon. Il fut longtemps tout décontenancé d'y payer 60 francs pour un repas radis beurre, terrine sur table, sauté aux coquillettes, fromage et dessert et vous auriez vu les portions. C'est pour le mettre à l'aise que les artisans, les aubergistes et les commerces de bouche ont inventé ce hobby provincial: le prix parisien. Les prix parisiens se pratiquent désormais dans la France entière, seul ou en équipe. C'est aujourd'hui un sport de masse. Il ne demande aucun entraînement particulier. Depuis les années 50, l'Ile de France s'est spécialisée dans la production et la mise sur le marché des jeunes cadres. Le jeune cadre est bientôt devenu le produit phare de la région. Quand la bourgeoisie n'a plus suffi à fournir le matériau, on a pris du boursier, du recyclé. A peine sorti d'usine, tout ce petit monde s'est égaillé. Le besoin pressant lui est venu d'avoir une fermette, sorte de ferme enfant apprivoisée avec de petits carreaux aux fenêtres. Le paysage s'encombra de tondeuses et de pressoirs retapés mais humides. Ce fut un nouveau débouché pour les surplus parisiens, essentiellement constitués de services de presse, de romans de Troyat et de cadeaux de mariage en double. Le négoce surburbain y trouva son compte lui aussi : le marchand de ferraille écriviti brocanteur à la porte. On vida les greniers pour emplir les maisons. Le bol déparaillé s'arrache, et le porte cannes en rotin. On eut son broc comme on avait son boucher. C'est alors que les Parisiens inventèrent le Pays. Le Pays n'est pas la Nation. C'est un continent imaginaire où l'on rencontre du vin de pays, du jambon de pays, de l'agneau de pays et des gens du pays qui ont l'air sortis d'une dictée. Vue de Paris, la campagne ressembla bientôt à un panier garni. Un beau matin, en fait un matin pluvieux, de Parisien s'est lassé d'aller dans sa maison pour l'aérer, comme on sort son chien. Il est alors devenu totalement rurbain, il s'est installé dans un hameau pour cadres au bout du RER. Ou encore il a décidé de ne plus sortir de la capitale, s'étant inventé de nouveaux jeux captivants comme de faire tenir un doverman dans une kitchenette, ou de...