Une légende urbaine fait courir le bruit qu'avec les premiers modèles d'ordinateur étaient vendus des petits marteaux de mousse, visant à défouler la rage de l'utilisateur devant cette apathie opiniâtre de la machine que l'on appelle aujourd'hui "bug".
Mon père, informaticien, m'a fait grandir avec l'idée que la machine nous devait une performance irréprochable. Il était toujours très précis mon père; voire pointilleux. Je n'ai jamais traduit chez moi l'étrange sigle "@" - qui était si difficile à dessiner, à mon âge - par le frenchie "arobase". On disait "at", c'est tout. Très vite, le Power Point est devenu une exaltation de tous les instants. Dans des cardres aux dégradés toujours plus excentriques, je plaçais des fonds à donner mal au coeur, de velour pourpre ou d'imitation paille... Des flèches, de partout des flèches; je faisais surgir des images d'animaux et envoyais les plus curieux vers des vidéos youtube.
C'était les premiers balbutiements informatiques d'une petite fille émerveillée qui jouait encore à Lapin Malin...
Mon ordi rame.
Empêtré, englué, empégué. Désespérément amorphe. J'attends une réaction, guette le moindre signe d'une avancée...
Rien.
Trois fois rien.
Le degré zéro de la progression. C'est vrai qu'il manquerait un marteau...
Enfin, c'est inconcevable. Un ordinateur est une machine. Et en tant que machine, sa vocation est de répondre à ma demande. Autrement dit: j'appuie sur un bouton, et l'effet produit correspond à l'ordre intimé par la pression du bouton.
Ce qui n'est pas le cas ici.