Abîme & Temps

Atelier code & écriture

Une obsession photographique

Associer au travail commencé deux obsessions photographiques. Une première, contrainte, mais dont les photographies seront libres, et une seconde, libre, mais dont les photographies seront contraintes.
Tout d'abord, deux extraits de texte.

Deux extraits

Fenêtres sur le monde. Raymond Bozier. ->publie.net
Fenêtres sur le monde. Raymond BozierUn peu à l’écart, à l’ombre du mur, des femmes sont assises sur des chaises, elles regardent leurs enfants s’amuser, courir en tous sens, pousser des cris semblables à ceux des mouettes déployées dans le ciel. À l’écart du bâtiment, un vieux fourgon abandonné de la Protection civile subit les agressions de la rouille, des ronces et des orties.
Et que penser de l’espace semi – goudronné qui conduit à la rue et se trouve parsemé de ronds d’herbe et de flaques d’eau ? Du chien, indifférent au tapage des humains, qui pisse sur le portail coulissant de l’entrée ? Des branches chargées de fruits mûrs de deux sureaux qui débordent du mur d’enceinte ? Et des chants ininterrompus des oiseaux – martinets, moineaux, mésanges à la conquête d’un ciel d’orage ? Que penser de la rue déserte, de son goudron granuleux ; des fils électriques tendus entre les poteaux en ciment et bercés par le vent ; des fleurs parfumées de l’albizzia proche de la fenêtre ; des volets mi-clos ; de l’intérieur de la chambre ?
On pourrait, à trop longtemps observer ce monde sans qualité, trouver utile de le chambouler, imaginer des géants cognant sur les cuves, la confusion du ciel et de la terre, des enfants volant dans les airs et des oiseaux jouant à la balle à grands coups d’ailes, un hangar poursuivi par un chien, des voitures voguant sur une grande flaque d’eau, un rhinocéros acrobate paradant au sommet des citernes d’or noir, un orchestre buvant de l’essence à grandes gorgées et crachant du feu, des sureaux copulant avec un albizzia sous l’œil extatique d’un poteau électrique dégoulinant de béton frais, une rue montée sur quatre roues et fuyant vers les étoiles… On pourrait, par la fenêtre ouverte, souhaiter disposer d’un pouvoir sur les choses et les êtres, devenir maître d’un mouvement ordonné et rapide, se retrouver à l’égal d’un jongleur soucieux de ne rien laisser tomber au sol. On le pourrait, surtout lorsque les bruits de moteurs d’un avion dominant la fanfare traverse le jour. Mais c’est dimanche et il n’y a rien à faire.

Murs. Raymond Bozier. ->publie.net
Fenêtres sur le monde. Raymond Bozier Fiction du parpaing – Le parpaing est rugueux. Le parpaing ronge la peau et casse le dos de celui qui le manipule. Le parpaing doit être pris avec des gants. Le parpaing est manipulé essentiellement par les ouvriers du bâtiment ; les classes dominantes qui n’aiment pas se salir les mains ni se casser le dos, préfèrent diriger les manœuvres, voire spéculer sur le cours du parpaing. Proche parent du moellon, le parpaing peut être produit industriellement dans ce qu’on appelle des usines à blocs. Il peut l’être également de manière artisanale à l’aide de pondeuses. Une presse fixe industrielle peut produire en moyenne de cinq à dix mille blocs par jours, alors que la production par pondeuse varie de mille à trois mille cinq cents blocs par jours. Les parpaings sont des sortes d’œufs à base de minéraux (pierres, graviers, sable) et de ciment lui-même produit de l’argile et du calcaire. Il ne sert à rien de les couver. Aucun poussin ne nait d’un parpaing. Ce qui nait d’un parpaing c’est un mur.

Consignes d'écriture

Les murs formeront la première obsession. Il s'agira, par contrainte, de murs.
Murs à photographier vous-mêmes, au téléphone par exemple, à Cergy, autour de la fac et sur la "dalle".

D'après les livres de Raymond Bozier, Murs et Fenêtres sur le monde, publiés chez Publie.net, il s'agira de poser une fenêtre sur un de ces murs et découvrir ce qui se cache derrière.

Ce qui sera derrière les fenêtres posées sur ces murs proches et contraints, ce sera la seconde obsession : des photographies prélevées obligatoirement dans le Désordre, autour d'un thème que chacun.e choisira librement. Par exemple :
des forêts, des nuages, des pierres, etc. ce qui se trouve dans le Désordre par séries.