Où Lire Où Écrire

La contemplation

mercredi 14 mai 2014, par Pierre Ménard

« Plus loin que la lecture il y a la contemplation. La lecture fait quitter le groupe et son attention vide verse à la contemplation silencieuse. On s’assoit dans la nature. On lit la nature. Il y a un grand lire immense qui fait le but de mes jours. » [1]

Dans le jardin de La Floridiana, un grand espace de verdure situé dans le quartier du Vomero, à Naples, entre Chiaia et Mergellina, la Villa Floridiana a été construit en style néo-classique par Antonio Niccolini, elle accueille aujourd’hui le musée de la Céramique dont les porcelaines proviennent des plus grandes manufactures italiennes et européennes.

Il y a finalement assez peu de jardins à Naples. Mais l’attrait des pelouses de celui-ci, recouvertes ce midi par des adolescents besogneux révisant leurs examens, des enfants jouant au ballon, criant en se courant après, ainsi que par des couples avec leurs jeunes enfants dans des poussettes, ne suffit pas à mon bonheur. Il faut contourner la Villa Floridiana qui nous montre alors un tout autre visage, un paysage à vivre.

Un large escalier mène en bas du parc jusqu’à un élégant bassin rond empli de poissons rouges mais colonisé par une compagnie de tortues acrobates que les visiteurs imprévisibles nourrissent de gâteaux apéritifs.

« La mer, où était la mer ? Si je tendais l’oreille, il me semblait percevoir comme un bruissement d’eau, mais peut-être était-ce seulement le bruit de la circulation au loin. (...) Je me levai et me pêchai à la fenêtre pour ne plus entendre cette voix, et plissai les paupières pour tenter de voir la mer. Mais l’obscurité m’enveloppait, me faisant osciller comme si j’étais en train de tomber. » [2]

Lire un livre sur les marches des escaliers, regarder une carte de la ville pour mieux s’y perdre, écouter le bruit des oiseaux, et les cris des enfants qui jouent au loin, fermer les yeux sous la caresse ondoyante du soleil, discuter avec des amis, écouter de la musique, boire un café, se souvenir des moments passés à cet endroit dans sa jeunesse, à fumer et à parler entre amis, et surtout regarder droit devant soi, la mer à perte de vue, entre deux bosquets d’arbres, la ville en contrebas, invisible. Contempler... Le but de mes jours.

Une très belle vue s’offre à nous depuis le belvédère sur le Posilippo, Mergellina et l’ensemble de la baie de Naples.

« La ville en dessous qui s’ouvrait comme un ventre meurtri au milieu des fumées et du fracas furieux qui, ici, en haut, arrivait ouaté. » [3]

Dans une belle journée qui se consume dans la lumière de Naples.


[1Pascal Quignard, in Mireille Calle-Gruber, Les Triptyques de Claude Simon, Presses Sorbonne Nouvelle, 2008.

[2Cette vie mensongère, Giuseppe Montesano

[3Dans le corps de Naples, Giuseppe Montesano