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Au sujet de la faille
mardi 6 mai 2014, par
On nous a dit que c’était plus facile en prenant les portes, enfin en empruntant les portes, les portiques, mêmes les grandes portes, les arches, les arcs, en franchissant les épreuves, les étapes, en entrant dans l’institution.
Pourtant à vivre, on sait que ce sont des trous, des failles, des soupiraux que surgissent les prophètes, les vrais prophètes. Eux ils s’extirpent des murs, se frayent des passages pour fuir les lamentations, la longue liste des noms de ceux tombés pour la France. Ils vont ailleurs, quitte à ramper, à louvoyer, à se contorsionner, à surgir de nulle part, au ras du sol. Ils cherchent leur oxygène loin des rumeurs, des tracasseries, des regards perplexes, interloqués.
Ils cherchent un espace à eux, où garder la tête haute, où ouvrir les yeux ronds, où s’élancer.
Il y a ceux qui ne les voient pas et qui continuent à s’abreuver aux grandes enseignes, aux grandes banques, aux grands centres commerciaux. Ils sont là au coin de la rue, à deux pas agglutinés, heureux de former une communauté, communauté de consommateurs, heureux-malheureux, aveugles-désillusionnés, avides-amers.
Et puis quand le prophète surgit devant leurs yeux. Il y a les mêmes qui prennent leurs jambes à leur cou parce qu’il est trop tôt, parce que le prophète fait peur, parce qu’il ne sort pas par le même palier qu’eux, par qu’il y a dans ses yeux une étincelle trop vive.
Et puis il y a ceux qui le reconnaissent, qui l’attendaient. À ceux-là, dans son silence, il dit : Pas besoin de tomber en pâmoison. Ni d’idolâtrer. S’approcher, venir partager la brèche.