Elle regardait par la fenêtre de sa chambre. Malgré l'automne en train de s'installer, elle aimait ouvrir en grand la fenêtre pour sentir le courant d'air caresser son visage ou pour regarder tomber la pluie. Elle adorait observer les jeux de lumière se mêlant aux nuages et toujours elle admirait la tombée de la nuit. Ce soir là, la lune brillait au milieu de fins nuages brumeux. Pensive elle se demandait combien de mystères cette terre pouvait bien contenir. La nuit était calme. On pouvait seulement entendre la ville s'endormir, bercée par le bruit de quelques voitures qui, telles des étoiles filantes, roulaient à toute allure sur les routes de pavés. Les rires de quelques passants s'envolaient jusqu'à aller chatouiller les oreilles vigilantes du sommet de la montagne. Il paraît que le son monte plus vite aux cieux lorsque règne sur la ville un silence nocturne. Une nouvelle nuit. Encore une nuit, pensa t-elle. /////// L'élève, rêveur, détourna ses yeux qui depuis si longtemps étaient fixés sur le maître. Balayant la pièce du regard, les yeux rencontrèrent la fenêtre. Non pas que cette fenêtre soit particulière - ça n'était qu'un grand rectangle de verre encadré de plastique blanc - mais la vue qui au loin semblait sans fin, attirait les yeux de l'élève rêveur. Des promesses de voyage, une envie d'évasion. Cette vue s'agitait et dessinait, sous les yeux de l'élève, des sentiers de terre battue et des jungles luxuriantes. On y voyait des torrents chevaucher les vents, des fleurs de toutes les couleurs et des créatures surprenantes. Il pouvait même distinguer ... " - Jeune homme .. N'avez-vous pas fini vos rêveries ?" interrompit le maître. "Arrêtez dont vos divagations, il est temps de réciter vos leçons." /////// Tous les jours immobile sur son pan de mur, n'allez pas croire que la fenêtre s'ennuie. Bien au contraire ! Fixée, en général, depuis pas mal d'années, la fenêtre sait décrire les yeux fermés l'intérieur de sa demeure. Elle a vu moult événements se dérouler sous son nez et connaît par coeur les couleurs et les odeurs changeantes des saisons. Le matin elle aime sentir sur son verre engourdi par la nuit, les premiers rayons du soleil. Tout doucement, comme une caresse, les frêles rayons deviennent plus assurés et progressivement, une douce chaleur réchauffe la surface froide. Partagée entre intérieur et extérieur, ne pensez-pas que la fenêtre puisse perdre la tête. Bien au contraire ! Le train-train quotidien est réglé comme une horloge. La nature a sa propre routine. Pas identique à celle des hommes, mais pas non plus totalement étrangère de leur mode de fonctionnement. Animal, végétal, minéral. Ne faisons-nous tous pas partie d'un même tout ? Et oui, même cela, la fenêtre le savait aussi. Peut être était t-elle seule à le savoir. Personne ne s'étant jamais adressé à elle, elle n'avait jamais eu la chance de donner son avis. Elle, fixée depuis des années sur son pan de mur, elle qui en connaissait la moindre faille, elle avait du recul sur la vie et sur les événements et pourtant, se retrouvait plongée dans le silence pour l'éternité. Elle aurait tant voulu s'exprimer ! "Au choc des idées jaillit la lumière !" s'était écrié le père de famille lors d'une conversation quelque peu échauffée par le vin, un soir d'hiver. Tout a sa place en ce monde. Tous ont un rôle unique et important à jouer. La fenêtre muette, compris alors qu'elle était un pont, une porte, un miroir, un couloir, un oeil bienveillant, un sentier, une fusée, une voie ferrée, un lac à traverser. Ici et ailleurs, ouverte ou fermée, elle ne vivait que pour exister, là, sur son pan de mur dont elle connaît les moindres secrets et garde le souvenir de chaque odeur et la trace de chaque couleur que le temps a laissé sur son passage. Oui, elle a vu des fleurs fanées et des jours gris ; des coups de blues et des folles folies ; des nuits argentées et des aurores dorées. Mains et insectes de tout genre avaient accompagné son quotidien depuis tellement d'années. Plus ou moins précautionneusement on l'a traitée. Oui, croyez-le ou non, la vie d'une fenêtre peut être très chouette ! ///////   Par ma fenêtre se sont envolés des tas d'épines dorées depuis que tu es arrivé. Un sentiment de soulagement s'est engouffré en même temps que cette brise sucrée. Que de temps écoulé, attendant seulement que tu viennes me chercher. Par ma fenêtre se sont envolées des centaines de plumes bleutées depuis que tu as soufflé. Léger coup de vent, tornade de sentiments. Désormais je sens souvent ce doux enchantement s'immiscer par la fenêtre restée ouverte.

fenetre-ouverte
C'est un début comme un autre.
Enfant, écrire était un exercice que j'ai souvent pratiqué.
J'aurai aimé conserver mes histoires colorées.
Mais mes écrits se sont évaporés.